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La Vierge des tueurs (c) D.R.
Objectif Cinéma : Il y avait combien de personnes dans l'équipe ?

Barbet Schroeder : C'était une équipe normale de cinéma, je ne sais pas exactement le nombre mais c'était au-delà de 35 personnes. C'était un vrai tournage, normal : c'est un film qui est écrit, qui est mis en scène, qui est éclairé, qui est décoré. Il y a beaucoup de gens qui sont surpris parce qu'il a en même temps une force documentaire parce qu'il est documenté, parce qu'il est basé sur une vérité, qu'il est tourné dans des lieux réels, mais en fait il est tourné comme un film, sauf qu'il est tourné à plusieurs caméras et que, grâce à la Haute Définition aussi, on a pu manipuler certaines images. Dans ce film, il y a 200 plans qui ont été manipulés, où l'on a rajouté un petit quelque chose, mais ce sont des choses imperceptibles, qui sont faites plus pour moi que pour le public. Par exemple, dans le dernier plan du cadavre de Wilmar, je serais d'ailleurs curieux de savoir si un spectateur l'a remarqué, il y a eu une coupe qui a été faite en haut de sa poitrine, et l'on voit que les côtes, d'un côté et de l'autre de la découpe, ne sont pas au même niveau, donc ça montre bien que c'est vrai, c'est-à-dire que quand on a passé une scie pour couper les côtes et qu'on les a remises, ce n'est pas tout à fait resté au même niveau : c'est une chose que j'ai faite digitalement.


Objectif Cinéma : Est-ce que le film va être projeté en Colombie, pensez-vous qu'il va avoir un certain retentissement ?

Barbet Schroeder : Certainement, je pense que le film va être un immense succès là-bas. J'ai eu la chance de voir le film avec un public colombien à Paris, et c'était une expérience extraordinaire parce que ce sont des gens qui sont bien sûr beaucoup plus sensibles à l'humour du film, et ils rient dix fois plus que les autres publics, c'est un film très drôle pour eux.


Objectif Cinéma : Est-ce que vous pensez que cette violence va perdurer en Colombie ou que les combats vont cesser faute de combattants ?

Fernando Vallejo : La Colombie a seulement 30.000 assassinats par an, et elle possède 40 millions d'habitants : ces assassinats ne servent donc même pas comme un contrôle démographique !


  La Vierge des tueurs (c) D.R.

Objectif Cinéma : Pourquoi l'écrivain du film prend-il à parti l'Eglise tout en s'y rendant très souvent ?

Fernando Vallejo : Vous pouvez ressentir le vacarme qu'il y a dans les rues de cette ville. Le seul lieu où l'on peut trouver le silence, ce sont les églises. D'autre part, puisque je suis né dans la religion catholique, j'ai été élevé dans la religion catholique, j'ai une grande nostalgie de mon enfance, et cette Vierge que l'on voit là, c'était la Vierge de mon enfance. Je vais donc dans les églises pour trouver le silence, mais en réalité, le seul silence que je trouve dans les églises, c'est le silence de Dieu. Dieu n'existe pas… Je suis très intéressé par la théologie, j'ai étudié avec des Salésiens et je prends très au sérieux ce problème-là, pas comme la plupart des gens qui se disent catholiques, qui se disent religieux et qui se sentent offensés si on en parle. Je n'ai pas pris un parti contre la religion catholique, mais contre toutes les religions du monde, contre toutes les religions sémitiques, contre l'islamisme, le judaïsme, le christianisme, car ce sont des religions cruelles. Je n'ai rien à dire contre le bouddhisme ou l'hindouisme, qui ont un grand respect pour les animaux, contrairement à nous : nous les mangeons, ils sont nos prochains. Le Christ a dit que mon prochain, c'est l'homme, mais ce n'est pas seulement l'homme, ce sont aussi les animaux : tout ce qui a un système nerveux pour sentir et pour souffrir est mon prochain.


Objectif Cinéma : Est-ce que vous ne craignez pas que l'image que vous donnez de la Colombie lui soit préjudiciable ?

Barbet Schroeder : Je ne crois pas à l'effet négatif des films en général, et je ne crois donc pas du tout à l'effet négatif de ce film dans une situation pareille. Si on regarde les chiffres, ce n'est pas quelque chose que nous avons inventé, ce n'est pas une image mauvaise que nous donnons, c'est un pays qui a 95% d'immunité pour les crimes, c'est le pays à la fois le plus catholique et le plus criminel du monde, sans que ces deux choses aient à voir l'une avec l'autre, je crois que c'est une coïncidence ! C'est un film qui est en prise sur une réalité, ce n'est pas une chose que nous avons inventée. Nous ne cherchons pas à donner une image, bonne ou mauvaise. Je pense que ce film peut aider les Colombiens à prendre conscience de cela, il y en a beaucoup qui nous ont dit que ce film peut avoir un effet salutaire pour ceux qui continuent à se boucher les yeux.

Fernando Vallejo : Je ne m'occupe pas de problèmes sociologiques. Le destin de la Colombie est de disparaître, elle est en train de s'effondrer, la Colombie est de plus en plus un désastre. Le problème de la Colombie, c'est qu'elle ne meurt pas, elle ne finit pas de mourir, de traîner sa mort.