Objectif Cinéma : 
                      Dans le film, les corps des femmes 
                      sont commes des mots qui résonnent. Elles font s'articuler 
                      le film, elles sont la mise en scène. Comment avez-vous 
                      procéder ? Ont-elles participer à l'écriture 
                      du scénario ? 
                      
                      Jérôme De Missolz : 
                      Très clairement, depuis 
                      que j'étais titillé par le livre, j'ai ressenti 
                      le besoin de faire tout un trajet avec les femmes, et ça 
                      m'a pris deux ans. Je suis passé de femmes en femmes 
                      dans des secteurs très différents, des comédiennes 
                      aguerries et professionnelles ou des femmes de la rue. J'ai 
                      vu aussi des chanteuses et des danseuses, car le film devait 
                      me permettre de faire tout un travail sur la voix et le 
                      corps. Je me suis effectivement promené avec le livre, 
                      de manière à voir comment les femmes s'en 
                      emparaient, quelles résonances intimes elles pouvaient 
                      tirer instinctivement de ce texte. Quand on ouvre le livre, 
                      on découvre un matériau brut, souvent répétitif, 
                      très cru, une incantation sur le sexe, inhabituel. 
                      Ce n'est pas un texte de fantasme érotique, il a 
                      cette précision du langage amoureux, dans une confidence 
                      du désir sexuel exprimé. D'ailleurs Calaferte 
                      parlait de " matière érotique ", 
                      n'hésitant pas comme aujourd'hui à dire l'érotisme. 
                      Car maintenant, c'est un terme à manier avec des 
                      pincettes, il y a eu toute cette imagerie commerciale et 
                      l'érotisme est devenu un produit manufacturé. 
                      Alors que chez lui, c'est une notion philosophique et spirituel, 
                      ce qui lie la femme, dans la manifestation de ses désirs, 
                      même à un degré inconscient, à 
                      une vérité intime, une connaissance d'elle-même. 
                      Il réfléchissait sur cette recherche de l'au-delà, 
                      une métaphysique de l'érotisme. 
                      
                      
                    
                       
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                    Concernant le casting, il y a eu 
                      ce travail de rencontre, j'ai vu et enregistré entre 
                      300 et 400 femmes. Je leur proposais de lire des passages 
                      du livre, qu'elles choisissaient d'ailleurs de manière 
                      immédiate, et je m'intéressais de voir ce 
                      que cela provoquait chez elle. Il y avait de la surprise, 
                      sur des passages obscènes, or elles éprouvaient 
                      du plaisir et une certaine jubilation à lire cet 
                      immédiateté du désir, sans tabou. Elles 
                      ressentaient ce sentiment de liberté par la langue 
                      de Calaferte, ce langage purement amoureux et sensuel. Certaines 
                      femmes m'ont avouées offrir le livre à leur 
                      amant. Un chant poétique et très libre s'exprimait 
                      pour toutes ces femmes, d'origines sociales différentes 
                      et c'est ainsi que peu à peu mon casting s'est formé, 
                      sans être lié par un plan marketing. Je voulais 
                      mélanger toutes ces origines, des actrices professionnelles 
                      et des inconnues, et travailler cette prise en corps et 
                      en voix de ce texte que je considère comme un grand 
                      poème, un mouvement vers l'homme. Je me demandais 
                      comment l'homme pouvait être pris dans la trame de 
                      ce désir et cette parole et j'ai fait sortir un motif 
                      principale du texte, le personnage incarné par Christine 
                      Boisson, et qui permet à l'homme de sortir de sa 
                      position d'observateur et d'écoute afin de vivre 
                      une passion amoureuse. Je dois ajouter que toutes les femmes 
                      du film m'ont tenues, elles m'ont légitimé, 
                      par leur engouement pour le projet. Car, nous avions le 
                      sentiment de rompre avec la norme dominante à tout 
                      ce qui touche la représentation du sexe. A chaque 
                      fois se pose cette fameuse question de la représentation 
                      et on arrive tous à de formes très différentes, 
                      que ce soit Oshima pour "L'empire des sens " ou 
                      Catherine Breillat avec "Romance".