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Objectif Cinéma : Il y a des voix singulières, des apparitions de femmes comme celle de Fabienne Babe, un modèle et non un personnage, et se détache de cette polyphonie une l'histoire entre un homme interprété par Rémy Martin, l'observateur et une femme Christine Boisson, qui n'existent pas dans le livre de Calaferte. Pourquoi avez-vous voulu inscrire cette nouveauté ?

Jérôme De Missolz : C'est quelque chose que je pouvais projeter dans le livre mais qui n'est absolument pas donnée par la structure du livre. Les personnages ne sont jamais nommés et le lecteur de " La mécanique des femmes " peut librement imaginer cette notion de personnage, de récurrence, car le livre fonctionne sur ces croisements internes. Dès le moment où s'est posé la question de l'adaptation, j'ai ressenti le besoin de développer une histoire centrale, car il aurait été extrêmement dur de faire fonctionner le film en passant de corps différents à chaque fois et que cela aboutisse à un enferment. Je voulais redonner à l'homme du sentiment amoureux, chose que le livre ne rend absolument pas visible à la lecture. Du rôle d'observateur donjuanesque un brin cynique, il est touché véritablement par une femme qui l'emmène sur le terrain de la rencontre qu'il ne maîtrise pas. Elle se métamorphose en plusieurs femmes et ranime toujours son désir. Avec Pierre Hodgson et Ariane Pick, comédienne et metteur en scène de théâtre, nous avons écrit le scénario en faisant en sorte de garder cette polyphonie et individualité différente et pas trop marqués typologiquement. Une envie aussi de sélectionner tel texte pour l'identité véritable d'une comédienne. Par exemple, je voulais une notion de corps libéré dans la ville et j'ai eu envie de travailler avec cette danseuse, le personnage qui se déshabille devant le vieux monsieur dans le jardin, et tout à coup elle part de manière fulgurante et devient une figure du mouvement cinématographique à la Muybridge.


Objectif Cinéma : Vous avez pensé à Muybridge lors de l'écriture de cette scène ?

Jérôme De Missolz : Oui, car je pense toujours en terme de ce qui a animer et généré le cinéma des origines, de quoi est fait la matière du cinéma. Mais de manière inconsciente, je n'ai pas voulu refaire du Muybridge, loin de là mais je suis nourri par ce passé là, que je porte en moi.


Objectif Cinéma : Diriez-vous que Rémi Martin est une figure charismatique dans votre film ?

Jérôme De Missolz :
Il y a un cinéaste que j'adore, Pasolini et j'ai repensé après avoir réalisé le film, à "Théorème " où l'ange arrive dans cette maison bourgeoise et qui fait que tout explose, devenant objet du désir pour les femmes de la maison. Le rôle de Rémi Martin marque un certain détachement et le pari était de faire fonctionner un personnage, en sortant des carcans du romanesque à la française où le littéraire a une grande place. Il doit être une figure lisse, presque un symbole. Etre crédible avec toutes les femmes, sans que se pose la question du vrai. Et Rémi Martin est une présence, une évidence qui nous saisit. Au départ, je dois être honnête, je recherchais pour ce rôle un écrivain. Par facilité, je croyais que seul un écrivain pouvait incarner ce type d'expérience directe de la vie, tel que Calaferte l'exprime , en narrateur, dans son livre. C'est l'œuvre d'un illuminé comme Rimbaud, dans l'alchimie de son texte traversé de pulsions érotiques mais aussi d'observation crue et implacable du désir des femmes, qu'il aime à la folie. Je voulais garder cela dans le film et je pensais naïvement que seul un écrivain pouvait faire le lien avec ces femmes. J'avais proposé le rôle à Robert McWilson, irlandais qui a publié chez Christian Bourgeois, et je retrouvais une similitude avec Calaferte dans l'expérience de la rue et un charisme et une ironie sur la vie. Ce qui est très beau chez les écrivains, c'est que l'on ne sait jamais si les univers dans lesquels ils se projettent ne sont pas là juste pour déclencher de l'écriture. Qu'est-ce qui les lient au vécu ? J'ai toujours trouvé ça étonnant et peut-être que cette ambiguïté du rapport au sujet désirant ne pouvait que s'exprimer véritablement qu'avec un écrivain. Robert n'était pas disponible au moment voulu, je ne voulais pas faire le casting de l'écrivain français, j'imaginais mal Michel Houellebecqu dans " La Mécanique des femmes ", encore que.... Donc, je cherche le comédien de trente-cinq ans dans le territoire français, capable de tenir ce rôle impossible, un corps qui ne parle pas, objet du désir, ne renvoyant que la surface de son vibratoire. Dans une fragilité aussi, à ma situation d'homme aujourd'hui, un désarroi de ne pas savoir trouver sa place dans le rapport amoureux.