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Objectif Cinéma : Diriez-vous que Rémi Martin est une figure charismatique dans votre film ?

Jérôme De Missolz :
Il y a un cinéaste que j'adore, Pasolini et j'ai repensé après avoir réalisé le film, à "Théorème " où l'ange arrive dans cette maison bourgeoise et qui fait que tout explose, devenant objet du désir pour les femmes de la maison. Le rôle de Rémi Martin marque un certain détachement et le pari était de faire fonctionner un personnage, en sortant des carcans du romanesque à la française où le littéraire a une grande place. Il doit être une figure lisse, presque un symbole. Etre crédible avec toutes les femmes, sans que se pose la question du vrai. Et Rémi Martin est une présence, une évidence qui nous saisit. Au départ, je dois être honnête, je recherchais pour ce rôle un écrivain. Par facilité, je croyais que seul un écrivain pouvait incarner ce type d'expérience directe de la vie, tel que Calaferte l'exprime , en narrateur, dans son livre. C'est l'œuvre d'un illuminé comme Rimbaud, dans l'alchimie de son texte traversé de pulsions érotiques mais aussi d'observation crue et implacable du désir des femmes, qu'il aime à la folie. Je voulais garder cela dans le film et je pensais naïvement que seul un écrivain pouvait faire le lien avec ces femmes. J'avais proposé le rôle à Robert McWilson, irlandais qui a publié chez Christian Bourgeois, et je retrouvais une similitude avec Calaferte dans l'expérience de la rue et un charisme et une ironie sur la vie. Ce qui est très beau chez les écrivains, c'est que l'on ne sait jamais si les univers dans lesquels ils se projettent ne sont pas là juste pour déclencher de l'écriture. Qu'est-ce qui les lient au vécu ? J'ai toujours trouvé ça étonnant et peut-être que cette ambiguïté du rapport au sujet désirant ne pouvait que s'exprimer véritablement qu'avec un écrivain. Robert n'était pas disponible au moment voulu, je ne voulais pas faire le casting de l'écrivain français, j'imaginais mal Michel Houellebecqu dans " La Mécanique des femmes ", encore que.... Donc, je cherche le comédien de trente-cinq ans dans le territoire français, capable de tenir ce rôle impossible, un corps qui ne parle pas, objet du désir, ne renvoyant que la surface de son vibratoire. Dans une fragilité aussi, à ma situation d'homme aujourd'hui, un désarroi de ne pas savoir trouver sa place dans le rapport amoureux.


Objectif Cinéma : Votre choix de la musique n'est en rien anodin.

Jérôme De Missolz : La musique de Jean-François Pauvros n'est clairement pas anodine. Elle est un élément aussi déterminante que la parole de ces femmes. C'est un acteur du film.


Objectif Cinéma : Vous disiez : " aller vers du moins connu, du moins éclairé ", la musique aussi est liée à cette idée-là, ces espaces-là ?

Jérôme De Missolz : C'est vrai que j'ai ressenti, dès le départ du projet de ce film, le besoin de trouver le musicien qui pourrait défricher ces terres inconnues et construire une musique qui ne soit pas une musique illustrative ou amplificatrice d'émotions. Je voulais une musique qui soit une musique qui naisse du côté épidermique des corps. Et de la ville, que j'imagine comme un espace vivant : on peut totalement imaginer une ville sur le plan organique. Je voulais pouvoir traduire ces trajets, ce va et vient pulsionnel qu'on a entre ce que dégage la ville sur le plan électrique, hyper-nerveux, rythme, bruit, et la petite musique intérieure des corps qui, quelques fois, est menée par cette ronde infernale extérieure. Il est vrai que la musique est dans la texture propre des images. Elle n'est jamais un élément extérieur.