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  Objectif Cinéma (c) D.R.

On s'est beaucoup questionné pour savoir de quel ordre elle devait être… Moi, je voulais de la guitare, par amour personnel de la guitare électrique, et en même temps il était hors de question que ce soit un film rock n'roll, donc il fallait trouver comment extirper de la guitare des sons, des dissonances, des harmonies qui ne soient pas évidentes. Quelque part, la musique devait nous renvoyer au sentiment intérieur de l'homme. On se racontait des histoires comme ça avec Jean-François Pauvros. En même temps, elle devait traduire cette espèce d'alchimie mystérieuse entre les espaces et les zones secrètes du désir entre cet homme et toutes ces femmes. Il y a quelque chose d'expérimental dans ce travail.

Un film m'a beaucoup marqué sur le plan musical, même s'il ne nous a pas du tout animés sur le plan de l'inspiration, un film où l'univers musical était un peu psychotique. En fait, je pense à deux films : le travail d'Howard Shore sur " Crash ", et le travail de Neil Young sur " Dead Man ". Deux musiques totalement différentes. Chez Jarmusch, c'est une série d'accords aux limites du country-rock, étirés, qui arrivent comme une litanie répétitive et qu'on traitait sur des longueurs différentes, quelques fois sur des rythmes légèrement différents, et au bout d'un moment ça participe d'un rythme et d'une atmosphère un peu psychotique.

Objectif Cinéma (c) D.R.

Sur " Crash ", la manière dont travaille Howard Shore est aussi de cet ordre-là : arriver à… Ce n'est guère étonnant qu'il travaille régulièrement avec Cronenberg, un des grands décortiqueurs de pulsions, il éventre les gens pour savoir de quoi l'homme neuronal est fabriqué, de toutes les peurs qui entourent le corps humain et l'imaginaire autour du corps humain. Ils ont mis au point un travail de l'ordre de l'interpénétration de la musique et de l'image qui me convainc tout à fait.

Vous savez, j'ai commencé dans le cinéma expérimental, un cinéma non narratif où tout le but était d'essayer de trouver des logiques visuelles, des rapports purement plastiques et intrinsèques à l'image pour développer des durées. C'est vrai que, sans doute, ça m'a renvoyé aux origines de mon cinéma qui était du super-8, image par image, que je retravaillais rythmiquement. J'ai fait comme ça un film expérimental à la fin du phénomène punk, au début des années 80, où j'allais de concerts en concerts et j'en ramenais des vibrations lumineuses dans les rapports des musiciens à l'espace scénique, c'est un film que j'ai retravaillé ensuite photogramme par photogramme, en travaillant sur des logiques sonores qui n'étaient en aucun des musiques synchrones mais plutôt des analogies entre l'espace citadin et la pulsion de révolte intrinsèque à ce type de musique. J'ai une vraie croyance dans le fait que le cinéma est plus proche de la musique en tant que matière artistique. Beaucoup plus proche de la musique que du roman, du théâtre. Il y a quelque chose d'intrinsèque au cinéma qui est de l'ordre purement rythmique, et mystérieux comme la musique. La musique est quelque chose qui n'est pas foncièrement terrien, qui nous emmène dans des vibrations qui nous dépassent et nous surprennent parce qu'on est tout à coup frissonnant, transpirant. La musique va jusqu'à la transe religieuse. On trouve ça dans l'électro aujourd'hui, dans le côté extrêmement répétitif, dans le martèlement, dans la recherche d'adéquation avec le corps. Il y a quand même une jouissance incroyable, à un moment donné on a l'impression d'être dans le fusionnel, d'échapper à la condition de terrien, d'être projetés dans les espaces quasiment hallucinés, comme la drogue, sauf qu'on n'a pas besoin de drogue. J'ai envie de continuer à expérimenter ces rapports de la musique et de l'image, et mon prochain film va vraiment traiter de ça. Il est question des mutations d'un garçon de 17 ans par la passion musicale.