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Caroline Ducey (c) Stéphane Legrand
Objectif Cinéma : Que pensez-vous, Caroline, de cette dernière phrase d'Aliénor à son mari Bertrand " je saurais rester dans l'ombre " ? Comment percevez-vous Aliénor ?

Caroline Ducey : C'est un personnage bouillonnant issu d'une période en pleine gestation, de troubles et cela m'intéresse plus que les périodes dites de révolution.

Marie-Christine Questerbert : Il faut dire qu'il y avait l'ici bas et l'au-delà, deux espaces qui communiquaient comme on peut le voir dans les tableaux de Jérôme Bosch.

Caroline Ducey : Cette période de mystère, où tout se mélange, me fascinait. Le rôle d'Aliénor est sublime, elle prend son destin en main sans avoir peur de tomber. Elle a une innocence fonceuse, loin des rapports de pouvoirs sociaux tels qu'ils peuvent s'exercer à la Cour. Or, elle va devoir apprendre. De même, elle va devoir transformer l'amour qui l'emplit et toucher l'autre, sans priver Bertrand de sa liberté. Mais elle se retrouve bloqué en face de lui car il n'aime personne, du moins seulement les plaisirs frivoles de la séduction. Alors qu'Aliénor est un bloc d'amour brut, fougueux. Et lui dire ces mots, c'est respecter la liberté de celui qu'elle aime.

Il me semble que Bertrand est un être limité dans ses désirs égoïstes, beau et fier comme un jeune gamin gâté. Et Aliénor lui propose de l'élève et lui demande de travailler avec elle le couple. Que tout n'est pas acquis mais se joue dans un rituel érotique secret.

Caroline Ducey : Bertrand est libre comme une jeunesse qui ne vit pas dans l'essentiel mais dans une facilité. Sa liberté consiste à régner sur ce qu'il veut, c'est tout. Il a des obligations par son état de chevalier, sans plus, même s'il met du temps à les accomplir. Lorsqu'Aliénor débarque dans sa vie, elle le perturbe, même si elle vient avec toute la force de son amour. Au début, j'avais du mal à la comprendre, c'est lors du tournage que j'ai ressenti et compris ces mots " je saurai rester dans l'ombre ". C'est extraordinaire car pour moi c'est un don total et l'amour est un pari. Elle lui propose de jouer à la fin car elle a compris énormément de choses, elle s'est battue de toutes ses forces, elle a failli renoncer, son amour a été tué plusieurs fois en son coeur car il ne revenait pas. Elle est même passée au-delà de sa fierté, allant jusqu'à le voler en lui faisaint des enfants dans le dos.


  Caroline Ducey (c) Stéphane Legrand

Objectif Cinéma : L'utopie de la rencontre romantique est constament faussée, situant le film dans une modernité assez cruelle...

Caroline Ducey : Je dois dire qu'avec La Chambre Obscure j'ai fini de sortir de l'adolescence et de son idéal romantique. Ce qui me séduisait dans cette histoire était cet enjeu : une véritable bataille amoureuse et érotique. Aliénor ne peut pas vivre sans Bertrand et elle cherche toute les ficelles jusqu'à celle-ci : savoir rester dans l'ombre et l'accompagner tout doucement. Le personnage de Melvil est très touchant car il se débat. Je me souviens des conversations que j'avais avec Catherine Breillat à ce sujet. Elle part du principe que les femmes ont les mêmes instincts que les hommes : l'instinct de conquête n'est pas l'apanage du masculin, il n'y a pas de rôles et la femme est tout aussi conquérante que l'homme. Melvil dans la scène de la grange est touchant lorsqu'il pose sa question " c'est toi Lisotta, c'est toi ? " je me souviens de cette scène, j'étais dans la paille et je vois Melvil, séduite par cette candeur toute mâle. C'est beau de voir un homme pris dans une contradiction romantique et érotique. Aliénor ressent aussi cette force du désir. Elle lui propose un imaginaire érotique lorsqu'elle lui souffle ces mots car c'est jouer que de rester cachés. Elle lui fait un vrai cadeau. Elle lui donne une ombre pour tous les deux, un secret entre un homme et une femme.

Marie-Christine Questerbert : J'ai pensé au Japon. Il s'agit de quelque chose de souterrain et cela rejoint le visage noir d'Aliénor. Elle peut prendre beaucoup de visages.

Caroline Ducey : Il s'agit du secret d'une femme. La chambre obscure est un écrin L'ombre est un creuset dans lequel un homme et une femme peuvent se retrouver. La fin est sage tout en étant provocante.