Objectif Cinéma :
Dans quelles circonstances avez-vous
été amené à rencontrer Karim
Dridi et à collaborer avec lui ?
Pascal Letellier : Je
ne travaille pas uniquement dans le domaine de l'audiovisuel,
du cinéma, mais aussi dans le domaine de la programmation
et de l'organisation de festivals culturels qui ont trait
à des phénomènes de culture urbaine
en général et axés sur des villes en
particulier, comme Johannesburg, Le Caire ou New-York. On
essaye de voir des formes un peu émergentes, dans
les villes, d'expressions artistiques dans tous les domaines.
Ça s'était concrétisé à
Nantes, à travers un festival qui s'appelle "
Les Allumés ", où l'on avait fait toute
une programmation autour de La Havane. Je m'étais
occupé du côté cinéma et musique,
et l'on avait notamment rencontré un chanteur complètement
inconnu en France : c'était Compay Segundo. Karim
Dridi avait appris ça, et il voulait justement faire
quelque chose avec de la musique cubaine et justement Compay
Segundo, avant de savoir que Wim Wenders était sur
le même truc. Il cherchait des gens qui pouvaient
le mettre en contact avec ces artistes-là, et donc
il m'a rencontré en janvier ou février 98.
Je connaissais le cinéma de Karim, j'avais vu ses
films, mais je ne le connaissais pas personnellement.
Objectif Cinéma :
Lorsqu'on observe sa filmographie,
on est un peu étonné par l'arrivée
atypique de Cuba Feliz dans son univers, après des
films comme Hors-Jeu.
Pascal Letellier : J'ai
appris à le connaître, on a bossé ensemble
pendant deux ans, très très régulièrement,
pour le film : avant, pendant, après, et on a aussi
d'autres projets ensemble. Il aime bien, entre deux longs
métrages de fiction, plonger un peu dans le réel,
prendre la caméra et filmer. Il a fait quelques films
comme ça, des formes de documentaires, dont un avec
Ken Loach, qui s'appelle Citizen Ken : un portrait de Ken
Loach, qu'il a suivi sur les tournages en Amérique
Centrale, en Angleterre. C'est une sorte de dialogue entre
Karim et Ken Loach, qui est assez intéressant. Il
a fait aussi un truc en Afrique du Sud, qui s'appelle Impressions
d'Afrique du Sud. Il aime bien faire ce genre de documentaire
entre deux films : c'était un peu l'objectif qu'il
avait au départ pour Cuba Feliz. Après avoir
fait Hors-Jeu, il voulait se plonger dans une ambiance totalement
différente, avec la caméra au poing, les rencontres
avec les musiciens, pour ce qui devait être un petit
projet au départ.
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Et ce petit projet est devenu un
long métrage pour la salle, et de documentaire, c'est
devenu un vrai film musical. Mais la préparation
de ce film-là a suivi un parcours assez particulier,
parce qu'au départ, c'était vraiment un projet
très proche de Buena Vista, avec Ruben Gonzales et
Compay Segundo, à sa façon à lui. En
prenant mes renseignements, j'ai appris très vite
que Wim Wenders était sur un projet analogue et qu'il
voulait tourner son Buena Vista pour le printemps ou l'été
98, dans des conditions confortables de gros budget. J'ai
dit alors à Karim que la musique cubaine, ce n'est
pas uniquement ces gens-là, ce n'est pas seulement
la Havane, il y a plein d'autres choses ailleurs. Buena
Vista est un film qui a été créé
autour d'un disque avec les musiciens du disque, tandis
que la plupart des artistes de Cuba Feliz n'ont pas de disque,
Gallo n'a même pas une cassette !