Objectif Cinéma :
Cet événement imprévu
a probablement modifié l'approche du film ?
Pascal Letellier : Oui,
ça a marqué le film parce qu'on filmait chaque
jour, qu'on a rencontré des gens : le film s'est
constitué comme ça, d'une façon totalement
hasardeuse par rapport à la construction de la guitare,
qu'on suit d'ailleurs dans le film.
Objectif Cinéma :
Vous avez commencé à
filmer dès le début de la balade, il y avait
une trame initiale à laquelle vous aviez réfléchi
?
Pascal Letellier : Il
y avait des choses prévues, mais elles n'ont pas
tenu la route.
Objectif Cinéma :
L'idée du road movie musical
est donc venue en cours de route, avec El Gallo que l'on
suit dans son périple ?
Pascal Letellier : Le
film est présenté comme un road movie musical,
mais c'est en fait plus une balade musicale à travers
Cuba. Le projet, c'était d'essayer d'aller voir ce
qu'il y avait à l'intérieur de la musique,
c'est-à-dire à l'intérieur des gens,
aller chercher la musique à sa source, pour savoir
d'où vient cette émotion musicale, pour comprendre
pourquoi cette musique est si prégnante. On ne voulait
pas filmer des gens sur scène, on ne voulait pas
filmer des vedettes, on voulait aller à la source
spontanée, à l'origine de la musique, et donc
on a cherché des gens qui puissent exprimer ça.
Je crois qu'il y avait environ 115 heures de rushes pour
ce film.
Objectif Cinéma : Comment
s'est faite la sélection pour aboutir au résultat
final ?
Pascal Letellier : Le
film que les gens voient en salle, c'est simplement un peu
plus d'un pour cent de ce qui a été filmé.
Et pourtant, dans ces 115 heures de rushes, il n'y avait
pratiquement que des bonnes choses, parce que c'est Karim
qui cadrait et qu'il le faisait très bien (c'est
la première fois qu'il le fait sur un film comme
ça, mais il a déjà cadré sur
ses documentaires). Pour arriver à un film d'une
heure et demie, il y a donc des tas de trucs qui ont sauté,
des choses parfois excellentes, bouleversantes et superbes
qu'on a dû sacrifier pour faire un objet cinématographique
d'une heure et demie : par exemple, énormément
de passages autour de la percussion, un mano à mano,
une rencontre, un match entre Tata Guines et Alberto Pablo
qui était magnifique mais qui a sauté purement
et simplement même si c'était un film en soi,
une espèce de cérémonie incroyable
à Trinidad. On a filmé pas mal de choses à
Holguín, à Sancti Spiritus dans des plantations
qui ressemblent à des kolkhozes, on a filmé
des cérémonies religieuses, etc. D'ailleurs,
le disque qui est sorti pour le film reprend des morceaux
des rushes qui ne figurent pas dans le montage final et
qui ont été choisis en fonction de tous les
titres qui ont été enregistrés : je
pense qu'on a enregistré entre 80 et 90 titres durant
le tournage, et il doit en rester une quinzaine ou une vingtaine
dans le film.