Objectif Cinéma :
Même les parents de Paul,
joués par Jacques Boudet et Pascale Roberts ?
Robert Guédiguian :
Ils représentent le passé,
un autre mode de pensée et j'ai failli les faire
se suicider mais c'est Jean-Pierre (Milési) qui m'a
retenu, me faisant remarquer que j'allais trop loin dans
le pessimisme noir. Tout le monde mourait, cela faisait
beaucoup ! Ils sont de l'ancien temps, c'est signifié
explicitement à l'image alors que tous les autres
personnages sont totalement largués.
Objectif Cinéma :
Est-ce à dire qu'après
" La Ville est tranquille ", vous ne pourrez plus
réaliser des films comme " Marius et Jeannette
" ?
Robert Guédiguian :
Ah non ! Je pourrais d'autant plus,
car je crois vraiment à cette citation du fondateur
du parti communiste italien Gramsci s'adressant à
ces militants : " allier le pessimisme de l'intelligence
à l'optimisme de la volonté ". Lorsque
j'ai entendu cette phrase, j'étais jeune, j'ai dû
l'écrire sur la page de garde de mon cahier, comme
on écrit des idiomes, je la trouvais formidable et
je continue à penser ça. Demain, je peux faire
un film absolument encourageant type " A l'Attaque
" même si je le mets un peu à part avec
sa mise en abîme. Mais prenons par exemple un film
où des gens se battent devant cette cour (Robert
Guédiguian nous montre du doigt l'immeuble dans la
cour nous faisant face) de l'immeuble contre le propriétaire
qui veut les virer, et à la fin, les locataires gagnent.
Je filme cette histoire à la Capra entre guillemets.
J'en ai besoin.
Objectif Cinéma :
C'est une belle schizophrénie.
Robert Guédiguian :
Elle m'est indispensable. Ces choses se confondent dans
la vie, car on est simultanément dans le pessimisme
et l'optimisme. A la fois consterné et accablé
par un fait nouveau et incompréhensible. On se dit
merde, j'arrête tout et dans le même temps on
est en train de faire quelque chose qui fait que l'on n'arrête
pas tout. Ces choses sont confondues, la vie continue alors
que dans l'art il faut les dissocier afin de rendre un point
de vue unique, exclusif, voire excessif. Je dois vous avouer
que cela me ferait doucement rire si l'on venait aujourd'hui
me reprocher mon excessif pessimisme comme on a pu me reprocher
dans un temps mon excessif optimisme !
Objectif Cinéma :
La presse vous a fait le reproche d'un trop plein de didactisme,
je pense notamment " A la place du cur "
Robert Guédiguian :
Ce film n'est pas didactique du tout,
mais c'est mon avis (sourire amusé du cinéaste).
J'ai toujours eu de bons rapports avec la critique, elle
aime, elle n'aime pas, cela fait parti du jeu.