Objectif Cinéma :
Est-ce que cela complique la direction
d'acteurs ?
Emmanuel Mouret :
Non, je pense que ça la facilite.
L'équipe de Laissons Lucie faire était
la même que pour le court et le moyen métrages,
ça facilite parce qu'on est avec les comédiens,
qu'on arrive à mieux donner le ton. On travaille
avec eux, on sent quand ça bloque, et on est plus
à même de trouver des solutions. Après
sur le tournage, quand on fait le cadre, quelqu'un qui fait
la doublure, c'est un coup à prendre. Tu es aussi
derrière le cadre quand on joue la scène,
ça fait partie du jeu. Mais c'est ça pour
moi la maîtrise au cinéma, c'est ce jeu qu'on
peut avoir avec le hasard.
Objectif Cinéma :
Est-ce que vous êtes impitoyable
avec les scènes où vous jouez, et est-ce que
cela influe le montage du film ?
Emmanuel Mouret :
Non. Evidemment j'ai du mal à me supporter, mais
j'essaye de faire abstraction, et si je suis impitoyable,
c'est quand j'essaye de faire pour le mieux.
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Objectif Cinéma :
Bifurquons un peu vers les arts
parallèles au cinéma : par exemple, la littérature.
Quelles uvres vous ont " nourri "
?
Emmanuel Mouret :
Je suis issu d'une filière
scientifique, et j'ai un rapport spécial avec le
langage. Je suis aussi timide à l'écrit qu'à
l'oral. En tout cas, je ne suis pas du tout né dans
le monde de la lecture, ni de l'écriture. L'apport
de la littérature, c'était la poésie.
J'ai à la fois lu beaucoup de poésie, essayé
d'en écrire pour séduire, ça n'a jamais
vraiment fonctionné. La littérature est encore
pour moi un vaste domaine à explorer. J'ai davantage
exploré le théâtre par le biais du conservatoire.
Les livres que j'ai lus appartiennent à une littérature
essayiste, en fait. Je lis davantage des essais et de la
philosophie. Rosselini disait détester les romans,
il n'y avait que la philosophie pour lui : ça m'a
rassuré !
Objectif Cinéma :
Et la musique ?
Emmanuel Mouret : Je
ne suis pas un mélomane, mais un auditeur relativement
occasionnel. Pour moi la musique prend énormément
la pensée, et j'ai beaucoup de mal à penser
avec la musique. Je suis très attentif à la
musique au cinéma. Je ressens toujours cette dichotomie
entre le mélodrame, le drame accompagné par
la musique, et la fameuse formule de Rohmer, " Moi
je n'arrive pas à écouter de la musique et
regarder des images en même temps ". Je me
situe entre deux référents, Leo Mac Carey,
Douglas Sirk, et Rohmer, Bresson. Mon intérêt
pour la musique est lié au cinéma, et très
tôt, je me suis aperçu que ce n'est pas la
bonne musique qu'on écoute qui va faire la bonne
musique dans le montage, et qu'il y avait là un rapport
très intime et très particulier. La musique
participe énormément au ton et à la
couleur du film, jusqu'aux instruments eux-mêmes.
La musique me passionne dans ce rapport au montage. Un film
peut partir de quelques chansons, on prend sept - huit chansons
et on fait un film J'aime toute sorte de musique en fait
: de la musique classique en passant par le jazz, jusqu'à
la musique électronique française, qui m'intéresse
beaucoup. La musique du groupe AIR par exemple est bien
accueillie outre-Atlantique car ce n'est pas de la techno
agressive, basée sur une force émotionnelle
trop flagrante, mais plutôt sur une nouvelle naïveté,
ce qui est loin d'être péjoratif. Cette nouvelle
naïveté, je peux la reprendre à mon compte.