Objectif Cinéma :
Vous prépariez depuis longtemps
ce projet de film ?
Olivier Py : Non,
c'est un film qui s'est fait extrêmement vite, construit
en moins d'un an, avec un tournage de cinq-six semaines.
C'est construit de manière assez classique. En fait
tout s'est fait dès qu'on m'a proposé d'écrire
pour la collection de films destinée à Arte,
" Petites caméras ". Il fallait surtout
qu'il y ait de la matière agissante sur le film.
On avait convenu de certains principes de cinéma
avec l'équipe : ne tourner pratiquement que des plans-séquences
mais jamais de la même manière, ce qui est
vraiment au-delà de toutes les règles minimales
de cinéma, car on risque de tomber sur quelque chose
qui n'est pas montable au bout du compte. Mais avec ces
petites caméras il n'y a pas de frais de pellicule,
on peut tourner vingt prises. On pouvait donc couvrir les
scènes de manière vertigineuse ; en plus avec
la monteuse on n'évitait pas les raccords un peu
brutaux, voire même les faux raccords. Tout cela présidait
à la passion de filmer. Ce que nous voulions éviter,
c'était le champ/contre-champ, surtout pour les scènes
de dialogues, à cause de la platitude. La difficulté,
c'est de ne pas être dans cette grammaire fondamentale,
c'est un peu comme retirer une lettre dans l'alphabet, écrire
un texte en n'ayant pas de " e ". Par exemple
une scène de repas, c'est très difficile,
les gens sont coincés à table et c'est nécessairement
comme ça. Il fallait trouver des inventions. Et la
caméra et ses impossibilités nous ont obligés
à faire des pirouettes stylistiques, comme de mettre
systématiquement des lampes dans le champ comme on
le voit dans le film, ce qui mangeait un peu l'effet de
spectre de la caméra, de dérégler les
couleurs, et aussi la volonté de forcer à
l'étalonnage.
Objectif Cinéma :
Et ses ralentis.
Olivier Py : Ce
n'est pas un ralenti, c'est un filé. On ne filme
que six images, mais en fait c'est synchro. C'est très
intéressant par rapport à un ralenti qui ne
l'est pas. Sur un filé, on peut caler le son sans
aucun problème. C'est un effet très beau qu'on
a découvert : ça c'est une idée de
cinéma, de filmer une révélation de
l'être, de filmer le monde qui apparaît d'un
seul coup. Il y a cette image qui laisse des traces, qui
ressemble à de la peinture. Ce sont des choses qu'on
n'aurait jamais pu faire en 35 mm. Cette contrainte de la
" petite caméra " exalte au contraire les
inventions formelles.
Objectif Cinéma : La
peinture...
Olivier Py : Le
cinéma, c'est de la peinture. Il faut s'intéresser
à la composition. C'est une composition avec un cadre
très rarement fixe, mais de cadre en cadre, c'est
la composition qui prime.