Objectif Cinéma :
Vous avez pratiquement à
chaque scène un sentiment différent à
jouer (la colère, la séduction, etc)...
Camille Japy : On
voulait qu'il y ait chez elle autre chose que cette violence
car elle a quelque chose de brisé en elle. A partir
du moment où on voit la souffrance qu'il y a derrière,
on peut aller loin dans la violence aussi. Car ce n'est
pas que cela ce personnage...
Objectif Cinéma : Qu'est-ce
que c'est alors ?
Camille Japy :
Je ne sais pas ! (rires) Elle a un trou en elle. J'aime
beaucoup la manière dont Martine parle de la transmission,
cette difficulté de transmettre quand on a un trou
en soi. Elle transmet du manque. A partir du moment où
elle n'a pas vraiment connu sa mère et qu'elle ne
sait pas qui est son père, c'est très difficile
pour elle d'être mère à son tour. Elle
a un besoin d'être reconnue et aimée parce
qu'elle n'a pas reçu cet amour, étant enfant.
Donc elle est tout le temps dans la séduction, le
besoin de plaire, dès l'adolescence. Et le seul à
qui elle ne plaît pas, c'est celui à qui elle
veut plaire. C'est aussi quelqu'un d'amnésique. Dans
le film, on la voit tout le temps en chemise de nuit, elle
dort beaucoup, se lève tard, elle est tout le temps
fatiguée, fuit dans le sommeil et ne veut pas voir
les choses, comme elle ne voit ni son enfant, ni son mari.
Objectif Cinéma :
Il y a une scène assez emblématique
quand vous êtes avec Louba dans la chambre et qu'elle
vous masse. A quoi vous pensiez lors du tournage de cette
scène ?
Camille Japy : Je
ne me rappelle plus (rires). Quand Louba la détend
physiquement et la masse, Jeannie est sur le point de la
reconnaître. Car tout d'un coup elle se pose, elle
s'arrête, se regarde dans la glace et voit Louba.
Et puis non. Elle est prise d'une frayeur : quelque chose
qu'elle ne veut pas voir est en train de poindre. C'est
ce qui est venu pendant la scène. Mais si je le dis
maintenant, je ne l'ai pas pour autant analysé en
le jouant.
Objectif Cinéma :
Il y a un contact charnel, un terrible enjeu de pouvoir
entre ces deux femmes, un non-dit...
Camille Japy : Complètement.
Je lui dis d'ailleurs dans cette scène de rester
à sa place. C'est une scène très ambiguë,
charnelle et menaçante.
Objectif Cinéma :
Est-ce que Martine Dugowson vous
donnait des indications sur ce cadre un peu charnel où
se passe cette séquence ?
Camille Japy : Tous
ces éléments présents (le décor,
les tentures rouges, les tenues de soie légère,
etc) apportent cette dimension-là dès le départ,
quoi qu'il se passe ensuite... Ensuite, on se laisse porter
par ce qui vient. J'ai l'impression, par exemple, qu'on
parle plus lentement ensuite dans cette scène. Un
metteur en scène crée aussi une ambiance,
ce n'est pas forcément quelqu'un qui explique tout.