Objectif Cinéma :
Et par exemple, pour cette scène
où vous pleurez, dans la chambre, au téléphone,
comment ça s'est passé ?
Camille Japy : On
n'a pas refait cette prise énormément de fois.
Il y avait des choses qui n'étaient pas écrites.
Au moment de faire la scène j'ai dit naturellement
à Martine "on y va" et elle m'a répondu
"attends, il faut que tu sois dans la scène,
tu dois beaucoup pleurer, tu es épuisée, il
faut que tu démarres la scène dans un état
plus fragile". Elle m'a demandé alors d'aller
dans une pièce proche du plateau de tournage pour
me concentrer. Je suis allée dans la salle de bain
à côté, au bord d'une baignoire et j'ai
essayé de faire le vide. Quand je me suis senti "vide"
justement, je lui ai dit que j'étais prête,
il n'y avait pas trop de bruit sur le plateau, je suis venue
et on a pu tourner la scène. Je savais que Jeannie
devait supplier son amant, qu'elle était dans un
manque mais je ne savais pas vraiment ce qu'elle allait
dire. On a commencé la scène, j'ai fait le
numéro de téléphone, et puis des choses
sont alors venues. Mais je ne savais pas comment elles allaient
sortir. Il y a quelque chose qui vous submerge. A force
d'être dans le personnage, on a facilement ses réflexes
: s'il est fragile, il vous suffit de mettre le costume
pour que les choses viennent. Là, il se trouve qu'elle
crie et pleure, elle aurait très bien pu ne pas crier
et pleurer, c'est sorti comme ça à ce moment-là,
tout comme le gémissement : je me suis demandée
après pourquoi j'avais fait ça. On a fait
moins de prises par rapport à d'autres scènes
parce que c'est un état avant tout que j'avais à
jouer.
Objectif Cinéma :
Martine faisait confiance à votre travail d'actrice...
Camille Japy : Oui.
Mais en même temps, elle m'a mis dans un cadre. Je
suis arrivée dans la pièce, l'équipe
ne parlait pas fort, il faisait chaud, Martine me parlait
très doucement et tout ça à contribué
à me concentrer. Je me rappelle d'une scène
qui n'est pas dans le film : Jean-Philippe est près
de moi et je regarde par la fenêtre Louba qui s'en
va. C'est juste un regard et je me souviens encore de Martine
derrière cette vitre, qui me regarde et me mime la
tristesse. La regarder faire m'a concentré, parce
qu'elle est très douce, qu'elle parle doucement.
Elle est "chargée" : on sent qu'elle vit
ce que vivent les personnages. Je la regardais souvent et
elle me mettait dans l'état du personnage. Elle était
extrêmement à l'écoute, elle sait ce
qu'elle veut, je me sentais accompagnée par elle.
Objectif Cinéma :
Lorsque vous avez vu le film terminé,
est-ce que vous avez-eu des surprises par rapport au choix
des prises choisies par Martine Dugowson ?
Camille Japy : J'avais
oublié des éléments du scénario
et j'ai vu tous les liens quand j'ai découvert le
film : je n'ai pas vu mon personnage, j'ai pris véritablement
le film "dans la gueule". Ce qu'elle raconte me
touche.