Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Objectif Cinéma : Là où votre film sort de ce ghetto de sensibilité, pour reprendre vos termes, c'est dans le personnage de Louba, enfant sauvage digne de Truffaut. Où vous filmez au plus près du souffle de l'adolescence, dans la fragilité de la peau, d'une identité nerveuse pour dire la transmission d'un corps singulier et romanesque.

Martine Dugowson : L'idée de la transmission était déjà présente à l'écriture du scénario, du passage entre deux histoires particulières et de ce que l'on transmet aux enfants. Dans la première partie du film, il y a deux jeunes filles, Louba et Jeannie, en manque de transmission, chacune avec une histoire différente. Celle extrême de Louba, car c'est une histoire juive très difficile à communiquer, sur ce que ces ancêtres ont vécu, où la transmission est presque impossible. Cela concerne en fait tous ceux qui ont du mal à accéder à une identité claire avec des racines définies. Le film parle aussi de ce que l' on transmet à un enfant, et comment il doit s'en arracher pour échapper aux difficultés familiales et historiques. C'est l'histoire d'Alexandre, l'autre enfant, dans la seconde partie du récit. Le film se termine par cette phrase où Louba lui dit de sortir de la photo. Elle lui demande d'échapper au poids de la fatalité et des maladies familiales.


Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Il y a aussi cette blessure première que vit Louba, une histoire de trahison lorsque Jeannie lui tend un piège. Ce sera le moteur de la seconde partie de votre film.

Martine Dugowson : J'ai pris un personnage en trouble d'identité. Louba n'a pas de sentiment identitaire fort. Au moment où elle pourrait s'ouvrir dans cette campagne, au milieu de cette famille d'accueil, et peut-être vivre un amour avec ce jeune Charlie, elle subit un bizutage cruel de la part de Jeannie. A partir de ce moment-là tout ce qui pouvait être une possibilité d'ouverture, où du moins revenir à une normalité, éclate en morceau. Louba est pris dans un trouble presque psychiatrique. Elle ne sait pas qui elle est en tant que femme, elle n'a plus de repère social et familial ni de moyen d'identification. De même Jeannie adulte est en faille identitaire. Une femme en manque d'amour. Elle ne peut jouer que des rôles : celle de l'épouse, de la mère de famille. Ce n'est pas la même histoire, car autant Jeannie est pris dans un désir d'oubli et d'amnésie, à ne pas vouloir voir les choses, autant Louba est dans un trop plein de mémoire paralysante, lui enlevant l'innocence nécessaire à vivre simplement.


Objectif Cinéma : Ce qui me trouble, c' est que Louba enfant a finalement une maturité d'adulte alors que Louba adulte paraît enfantine et innocente. Ce qui lui permet d'ailleurs de communiquer avec Alexandre.

Martine Dugowson : Louba reste une enfant d'une certaine manière. Effectivement, elle ne grandit pas, elle ne rentre pas dans des rôles et n'arrive pas à avoir des processus d'identité ni sexuelles, ni sociales.