Objectif Cinéma :
Comment ont réagi les producteurs
de Why not Productions ?
Orso Miret : Ils
ne s'inquiétaient pas, trouvaient que le projet était
très différent : "La Sentinelle"
était un film d'espionnage très rocambolesque
tandis que "De l'histoire ancienne" était
un film plus psychologique. Après j'ai écrit
"Une souris verte", histoire d'opportunité.
Parallèlement, à une semaine d'intervalle,
j'ai eu la réponse négative pour l'Avance
sur recettes, et la réponse positive pour le court
métrage. Alors je me suis dit : " tant pis pour
"De l'histoire ancienne", je vais faire "La
souris verte"". Cela nous mène alors en
1996 : "Une souris verte" était terminé,
j'ai décidé de reprendre "De l'histoire
ancienne". A ce moment là, il a fallu retrouver
des partenaires, des interlocuteurs....
Objectif Cinéma :
Comment change t-on de production
?
Orso Miret : Je
n'avais pas l'impression d'avoir ma place chez Why not productions,
ils ne s'intéressaient pas assez à moi. Je
ne sais pas comment ça se passe maintenant mais les
département courts et longs sont très distincts,
et j'avais l'impression qu'ils trouvaient mon projet intéressant,
sans pour autant être assez motivés, alors
que j'avais besoin de soutien. On ne s'est pas fâchés,
ça s'est fait assez logiquement et Nathalie Mesuret,
ma première assistante sur "Dans la forêt
lointaine" devenu productrice entre temps, s'est dit
en lisant le scénario que cela pouvait être
un projet fort. On a rediscuté, retravaillé,
et on s'est adressé à la région Centre
avec qui on avait travaillé sur "Une souris
verte". On a obtenu 150 000 francs d'aide à
l'écriture, dont on pouvait se servir pour débloquer
le scénario. J'ai alors travaillé longtemps
avec Roger Bohbot, mais cela n'a pas suffit. On est arrivés
alors dans une impasse, des imperfections sont restées,
mais le scénario n'est quand même pas léger
: l'histoire remue plein de choses, notamment pour les auteurs.
On a commencé à saturer, on était en
voie de dépression. Même en n'étant
pas à l'origine du projet, Roger Bohbot s'est investi
totalement. Comme il est juif, ça a remué
énormément de choses par rapport à
l'histoire collective comme par rapport à son histoire
familiale. Des événements survenus dans sa
vie privée rendait le scénario complètement
invivable pour lui. Alors, on s'est arrêtés
un moment. Ensuite nous n'avions plus assez d'argent, et
j'ai retravaillé pour la télévision,
pour avoir mes heures d'intermittent. On ne dira d'ailleurs
jamais assez à quel point les Assedics produisent
le cinéma. Les aides du ministère de la culture
dirigent tout. Ces films là ne naissent que parce
que le système français aide beaucoup les
intermittents.
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Objectif Cinéma :
Comment avez vous vécu ce
film de l'intérieur ? Un tel sujet nécessitait
une implication très poussée !
Orso Miret : L'investissement
dans un tel projet a été très difficile.
J'étais impliqué comme fils, le film a remué
beaucoup de choses de mon histoire familiale, puis j'ai
été impliqué comme citoyen : la politique,
l'histoire, le lien entre les deux, et tout le travail que
j'avais fait sur les commémorations n'était
pas gratuit. Il est tout de même sidérant de
voir les conséquences politiques et sociales encore
aujourd'hui soixante ans après. Il y a encore des
enjeux au présent, comme en témoigne l'affaire
Papon, qui provoque un psychodrame national. Les gens s'engueulent,
interviennent, dans un pays qui, depuis quinze ans, voit
l'émergence d'un front national de plus en plus présent...
Si on ne se sent pas concerné... Et enfin comme cinéaste,
je voyais bien qu'il y avait des enjeux très forts
: il s'agissait de faire un film sur une époque passée
depuis 60 ans en refusant toute reconstitution, en rejetant
le flash-back.