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Portrait d'une enfance déchue (c) D.R.
Objectif Cinéma : Quels sont les écrivains ou les cinéastes qui vous ont véritablement influencé ?

Jerry Schatzberg : Je dirais que le cinéma en général m'intéresse. Tout petit déjà, j'étais fasciné par les salles obscures et j'aurais pu y rester toute la journée. Tous les vendredis soir, ainsi que le samedi et le dimanche, mon père m'emmenait au cinéma. Je n'ai pas vraiment de cinéaste préféré mais j'ai pioché un peu partout. Dans Portrait, certaines scènes sont sans doute inspirées de L'Aventura d'Antonioni, mais je n'ai pas franchement d'idole. Même chose pour la photographie. La personne qui m'a le plus influencé était un professeur de photographie à l'université. Il était très connu dans le milieu et ne jurait que par Cartier-Bresson. Chaque semaine il nous donnait un sujet à photographier, comme la tour Eiffel par exemple, et il donnait son avis sur les clichés. Le cours durait dix semaines, et à la fin il contredisait ce qu'il avait dit la première semaine. Je lui ai fait remarquer, et il m'a répondu qu'il n'existait pas qu'une seule manière possible de faire quelque chose. Cette idée est restée ancrée en moi à jamais. Cet homme m'a aidé à penser plus librement, à ne pas être prisonnier d'un dogme.


Objectif Cinéma : Pensez-vous que le cinéma indépendant américain ait un avenir ou que les blockbusters vont définitivement prendre le dessus ?

Jerry Schatzberg : Les blockbusters ont déjà pris le dessus. J'ai tourné mes sept premiers films en studio, et je ne pourrais plus le faire aujourd'hui. Les producteurs n'ont plus le choix : s'ils veulent garder leur job, ils doivent produire des films commerciaux. Il est difficile de trouver l'argent pour produire un film indépendant. J'ai la chance d'avoir un nom connu dans le monde entier et je peux être financé par des Français, des Anglais, des Allemands. L'argent pour les grosses productions américaines provient souvent de l'étranger. Mais peut-être les choses vont-elles évoluer, notamment grâce à la caméra numérique. Aujourd'hui un jeune peut faire un bon film avec 1500 dollars. Moi-même j'utilise une Sony 900, et Spike Lee se sert du digital également.


  Spike Lee (c) D.R.
Objectif Cinéma : A propos de Spike Lee, avez-vous voulu réagir contre une représentation stéréotypée du ghetto avec Ponies ?

Jerry Schatzberg : Ponies parle d'un quartier où j'ai habité, de gens que je connais encore aujourd'hui. Je ne suis pas un grand admirateur de Spike Lee, qui selon moi est un raciste. Pourquoi seuls les noirs devraient-ils avoir le droit de faire des films sur les noirs ? J'aimerais qu'il fasse un film sur les blancs, car si c'est un bon réalisateur il devrait pouvoir faire un film sur n'importe quel sujet. Il parle sans arrêt de son peuple, mais il a une boutique qui vend des T-shirts à soixante dollars à son peuple. Il raconte beaucoup de conneries. J'apprécie un ou deux de ses films, le reste ne vaut rien. Quelqu'un comme John Singleton fait un travail de qualité. Je suis certain qu'en ce moment il y a des réalisateurs qui tournent de bons films, avec un certain souci de la sincérité. Street Smart était sincère et personne ne m'a jamais accusé d'avoir déformé quoi que ce soit. C'est une question de recherche. Je ne connaissais pas la country music avant de m'y intéresser. J'ai passé trois mois dans un bus avec Willie Nelson juste pour voir de quoi sa vie était faite.

Objectif Cinéma : La musique joue un rôle important dans Ponies. Pensez-vous que, malgré Internet et les nouvelles technologies, elle demeure le véritable langage universel ?

Jerry Schatzberg : J'ai toujours aimé la musique, et d'une certaine manière, oui, c'est un langage universel. C'est quelque chose que tout le monde peut comprendre sans avoir nécessairement appris l'alphabet.