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Objectif Cinéma :
Parfois dans vos films les acteurs
semblent jouer comme s'ils avaient oublié la présence
de la caméra. Essayez-vous de vous faire aussi petit
et discret que possible ?
Jerry Schatzberg :
Tout à fait. J'essaie de mettre
les acteurs le plus à l'aise possible. La caméra
numérique m'a aussi permis de réaliser des
plans très intéressants tout en m'aidant à
gagner du temps, car il y a moins de réglages à
faire. Je viens de voir un documentaire sur Gene Hackman
où il dit que quand nous avons commencé à
tourner L'épouvantail, il a tout de suite
compris qu'il aurait une grande liberté d'action
avec moi. Je connais des réalisateurs - et la plupart
du temps il s'agit de réalisateurs qui sont également
acteurs - qui ont tendance à trop diriger.
Objectif Cinéma :
Vous semblez faire confiance aux
gens. Vous montrez une situation et vous laissez le spectateur
juger.
Jerry Schatzberg : Dans
la vie je fais confiance aux gens jusqu'au moment où
ils m'arnaquent. En ce qui concerne mes films, en effet,
c'est au spectateur de juger. C'est ce que j'ai fait avec
Panique, avec Réunion. Je peux montrer
les effets nocifs du tabac, mais ne comptez pas sur moi
pour vous dire d'arrêter. Avant Panique, j'ai
passé beaucoup de temps dans les bars fréquentés
par les drogués du quartier. Un jour une fille est
entrée et est tombée, comme ça. Quand
j'ai vu cette fille s'écrouler, j'ai décidé
d'arrêter. J'ai aussi laissé tomber l'herbe
et le speed. Dans Showbus, j'ai tourné une
scène avec vingt ou trente personnes dans un espace
réduit. Willie Nelson et son groupe fumaient des
joints toute la journée, et à cause de la
fumée mon équipe a commencé à
se sentir bien, je dirais. Je suis allé voir les
musiciens et je leur ai demandé s'ils pouvaient s'arrêter
de fumer pendant les prises, et ils ont tous dit oui. Willie
a eu vent de tout cela et ma dit : " Ecoute,
je ne veux pas que tu interdises quoi que ce soit à
mon groupe ". Je lui ai rétorqué
que je n'avais rien imposé, que j'avais juste demandé
quelque chose gentiment. Les choses se sont bien passées
pendant une journée, puis ils ont recommencé.
A partir de ce moment je n'ai plus rien dit. Je ne demande
les choses qu'une fois et puis après tout je me suis
dit que je n'étais pas leur père. J'ai fait
avec, voilà tout.
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Objectif Cinéma :
En tant que photographe, vous aimez
laisser une grande liberté à vos modèles.
Procédez-vous de la même façon avec
vos acteurs ?
Jerry Schatzberg : Absolument.
Il serait stupide de ma part d'engager quelqu'un comme Gene
Hackman et de lui dire ce qu'il doit ou ne doit pas faire.
C'est un meilleur acteur que moi et je me dois de lui donner
une part de liberté, dans une certaine mesure, bien
sûr. Quand nous travaillions sur L'Epouvantail,
j'ai raconté à Gene l'anecdote suivante. Cela
se passe à l'époque où j'étais
photographe et où je travaillais jusqu'à très
tard dans la nuit. Il était trois ou quatre heures
du matin et j'étais assis dans un boui-boui minable,
quand un clochard est entré. Il s'est approché
du comptoir et a commencé à sortir toutes
les serviettes en papier du distributeur. Puis il a répandu
du sucre et du sel partout, et s'est assis. D'une certaine
manière, la scène était comique et
Gene s'en est inspiré pour une scène au début
du film. C'est un acteur rempli d'idées géniales.
Objectif Cinéma :
Guillaume Canet est-il aussi créatif
dans sa manière de jouer ?
Jerry Schatzberg :
Tout à fait. Il voulait toujours
essayer de nouvelles choses. Quand il s'est mis à
rire après s'être battu avec Joey, j'ai trouvé
cela très juste. Ce n'était pas prévu
mais c'était exactement ce que j'attendais. Le fait
qu'il pleure au cimetière m'a surpris également.
J'ai adoré travailler avec Guillaume.
Objectif Cinéma :
Saviez-vous qu'il avait déjà
joué dans un film où il est également
à la recherche de son père, Je règle
mon pas sur le pas de mon père ?
Jerry Schatzberg :
Je l'ignorais, mais je suis certain
qu'il s'agit de deux films totalement différents.