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Objectif Cinéma :
Comment avez-vous réussi
à rendre le sentiment qu'éprouve un étranger
perdu dans New York alors que vous connaissez cette ville
par cur ?
Jerry Schatzberg :
J'ai auditionné cinq acteurs
avant Guillaume. Trois d'entre eux n'ont pas su cerner le
personnage. J'ai parlé à des gens qui n'ont
pas de père. Je voulais savoir dans quel état
d'esprit ils ont grandi, et c'est quelque chose que l'on
retrouve dans le personnage de Daniel. J'ai rencontré
un jeune homme de 25 ans qui n'avait commencé à
parler que 6 mois auparavant, parce qu'il n'a pas connu
son père. J'ai discuté avec une fille qui
passe ses journées à lire dans un coin. C'est
pour cette raison que j'ai placé la table de travail
de Daniel dans un coin. Pour créer le sentiment dont
vous parliez, j'ai dû me mettre dans la peau d'un
étranger. J'ai parlé à un acteur qui
n'arrivait pas à croire qu'un français arrivant
à NY ne connaisse pas la réputation du Bronx.
Prenez un individu qui viendrait d'une petite ville provinciale,
qui ne regarderait pas la télévision et passerait
sa vie à collectionner des timbres. Il ignorerait
tout du monde réel. C'est une question d'instinct
et de recherche. Keith Richards, le guitariste des Stones,
est venu me voir pendant le tournage de Panique.
Il m'a demandé : "Tu te piques ?
". J'ai répondu que non. Il m'a dit : "
Comment peux-tu faire un film sur la drogue alors ?
". Je me suis dit qu'un jour je ferais sûrement
un film où une femme aurait un bébé,
et que je n'accoucherais jamais moi-même. Guillaume
est un grand acteur et quand je lui ai expliqué ce
que je voulais, il a tout de suite compris.
Objectif Cinéma :
Panique était un film sur la drogue, L'épouvantail
racontait l'histoire de deux marginaux et Portrait
narrait la déchéance d'un ex-mannequin vedette.
Vous considérez-vous comme le porte-parole des oubliés
?
Jerry Schatzberg :
Il serait prétentieux de ma
part de me considérer comme le porte-parole de qui
que ce soit. J'essaie juste de faire des films sur des sujets
qui me touchent. Ponies est un film sur la quête
d'identité. Daniel se découvre lui-même
en recherchant son père. Hier, en revenant d'Alès,
une femme est venue à ma rencontre à la gare.
Elle ma dit que le film ressemblait à sa vie et m'a
remercié. Elle m'a expliqué qu'elle était
à la recherche de sa mère et m'a raconté
son histoire qui est très émouvante. Je me
suis dit que je pourrais peut-être faire quelque chose
pour l'aider. Elle est mariée, a des enfants et une
maison avec un beau jardin quelque part dans le sud, mais
elle a décidé de savoir qui elle est. Ce genre
de choses me rend heureux. L'histoire du film a été
inspirée par mon ex-femme, qui à un moment
donné a voulu retrouver son père. J'ai vu
ce qu'elle a vécu émotionellement. Je voulais
raconter ce type d'histoire et aussi montrer la réalité
de Bronx. Tous les jours, j'ouvre le journal et je lis qu'un
autre enfant a été tué accidentellement
Peu importe que l'on soit noir, blanc ou violet ; quand
on a un enfant et qu'il meurt, cela fait mal. C'est cette
idée que je veux exprimer. Si cela peut amener un
des ces cinglés qui s'amusent avec des armes à
réfléchir, alors j'aurai gagné. Mais
je ne suis pas un porte-parole. Je ne suis pas un politicien,
je ne joue pas à ce genre de jeu.