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Objectif Cinéma :
Dans Ponies, le personnage
de William, l'enfant noir, ne se fait déjà
plus d'illusions sur la vie. L'Amérique a-t-elle
à jamais perdu son innocence ou les poneys reviendront-ils
un jour ?
Jerry Schatzberg :
Nous vivons tous notre vie, mais
au fond de nous-mêmes nous sommes persuadés
que les contes de fées existent. Je fréquente
beaucoup de jeunes et je constate qu'ils ont beaucoup de
mal à se trouver. Je ne me suis trouvé qu'à
26 ou 27 ans. L'innocence est toujours là mais nous
faisons en sorte de la cacher. Je pense que nous sommes
tous en quête du père, même si nous en
avons déjà un. Le gamin du film est obligé
de jouer les durs parce que son monde est dur. Son univers
quotidien na rien d'innocent : les poneys ont disparu, les
rues sont sales, les poubelles jonchent les trottoirs. Les
quartiers difficiles commencent à revivre mais tant
que la drogue sera présente il y aura de la criminalité.
La drogue a une influence énorme partout dans le
monde. Dans les années 60-70, je connaissais beaucoup
de musiciens rock comme Jimi Hendrix ou Brian Jones, et
tous ces gens sont morts aujourd'hui. Je n'ai jamais touché
aux drogues dures mais c'est un problème qui me touche,
et j'ai fait un film à ce sujet. La drogue est un
vrai fléau, comme la cigarette d'ailleurs. Dans les
cafés ici je vois un paquet sur chaque table. Les
gens pensent qu'ils sont immortels. Je déteste l'odeur
du tabac et je n'embrasserais pas une fille qui fume. Le
problème du SIDA me touche beaucoup également.
Dans les années 60, le sexe était sans danger,
mais aujourd'hui on risque la mort en faisant l'amour. Les
jeunes ne sont pas toujours conscients de cela. On a trouvé
de nouveaux médicaments et les gens se disent qu'ils
ne vont pas forcément mourir. La perte d'une certaine
forme d'innocence est liée à tout cela. Steinbeck
a dit : " Il n'y a qu'une seule histoire : celle
du bien et du mal ". C'est vrai, mais il y aussi
les histoires d'amour, les rêves que nous faisons.
Le gosse dans le film ne rêve plus. Quand Daniel lui
dit qu'il est à la recherche de son père,
William lui demande si ce dernier est un junkie. Il voit
ce qui se passe autour de lui même, voudrait que les
choses s'améliorent. Quand il monte sur le toi avec
Daniel, il dit qu'il aime cet endroit parce qu'on ne voit
pas les poubelles la nuit. Je ne crois pas qu'il ait perdu
son innocence. S'il pouvait s'échapper, il le ferait.
Objectif Cinéma :
Le père de Daniel est d'une
certaine manière un perdant. Comment expliquez-vous
la fascination de la littérature et du cinéma
américain pour les loosers ?
Jerry Schatzberg :
Le personnage de Stoller est une
sorte de combinaison. J'ai connu un type qui promouvait
des concerts de jazz et qui toute sa vie a lutté
pour joindre les deux bouts. J'ai voulu qu'il soit juif,
parce qu'il y avait une importante communauté juive
dans le Bronx que j'ai connu. Il y a peu de temps je me
suis demandé ce que je ferais de mon argent si j'avais
du temps, et je me suis dit que peut-être j'achèterais
l'immeuble où j'ai grandi. Puis j'ai réfléchi
qu'il faudrait l'entretenir, qu'il me coûterait cher
et que je ne pourrais pas m'en débarrasser. Stoller
est né de tout cela. Il s'agit d'un personnage qui
a des difficultés, et s'il était riche l'histoire
serait totalement différente.