Objectif Cinéma :
En même temps, chez Blake
Edwards, dans un film comme "The Party", il y
a un vrai côté libertaire. Le printemps, d'une
certaine manière, est présent du début
à la fin, c'est une fête permanente. Alors
que dans ton film, les deux fêtes, notamment la dernière,
tournent à l'eau de boudin.
Hervé Le Roux : Je
n'ai pas souvenir que la fête de "The Party"
soit absolument réussie (rires) ; effectivement on
voit ces travellings sur ces personnages un peu bourrés,
avec les cadavres de bouteilles et les joints, mais c'est
surtout la fête de la fin qui n'est pas du tout burlesque.
On pourrait s'attendre à un bouquet final, mais ça
ne se passe pas parce qu'on revient sur les personnages
des trois filles. C'est un film qui n'est pas très
encombré d'explications psychologiques, de grandes
scènes de dialogues, faisant le point. Là,
ce qui se passe sur les personnages, ce sont des petits
indices... si on les noyait dans un climax, une fête,
si on insistait plus sur l'homme en coquille d'uf,
l'homme baleine, etc, on risquait de perdre les trois filles.
C'est un des enjeux du film, on peut le voir comme pur film
burlesque, comique et s'en amuser ou pas, mais il y a aussi
l'histoire de ces trois filles, les rapports hommes-femmes.
C'est ce qui est privilégié à la fin.
C'est quelque chose qui est apparu au montage alors qu'il
y avait à priori plus de gags dans la scène
finale. Les gags sur les costumes, etc, s'épuisent
très vite. Ce sont des gags accessoires et au bout
d'un moment ça rabâche un peu. Donc on a décidé
de resserrer et de jouer le mélange des genres, finir
sur une autre note, c'est aussi le rôle de la chanson
sur la péniche. Passer à la fantaisie. On
en parlait avec Biette : il faudrait créer un nouveau
genre, qui serait la fantaisie. Ce qui convient très
bien à Biette d'ailleurs. Dans la fantaisie, dans
les contes, il y a des moments un peu plus cruels, plus
mélancoliques. J'aime bien que ce ne soit pas simplement
de la pure efficacité burlesque. Il y a ça
dans les comédies américaines, dans les comédies
de Mac Carey ou Capra, il y a un moment ou ça bascule,
on se prend un sacré coup de bambou alors qu'on est
en pleine rigolade.
Objectif Cinéma :
C'est une forme de mélancolie
qu'on trouve aussi chez Blake Edwards, mais il y a quelque
chose d'alcoolisé chez lui qu'on ne trouve pas chez
toi et qui vous différencie.
Hervé Le Roux : C'est
vrai mais les personnages sont plus jeunes donc ils sont
moins imbibés ! On les retrouvera dans dix ans, murgés
(rires).
Objectif Cinéma :
Est-ce que la guerre des sexes est un sujet qui te semble
pertinent aujourd'hui ?
Hervé Le Roux :
La position des femmes, les rôles qu'on leur suggère,
ce côté " être des femmes actives
", qui travaillent et ont des enfants, sont bien avec
leur mec... avoir tout bon quoi ! Je me lève à
huit heures, je m'occupe des gamins, à midi je déjeune
avec ma mère et je lui explique comment le nouvel
Omo lave mieux. Il suffit simplement de regarder les rôles
des femmes dans les publicités. Il y a quelque chose
qui est de l'ordre de l'intimation aux femmes d'occuper
une place, d'être des "executive woman".
Je trouve qu'il y a quelque chose qui se joue entre les
femmes et les hommes, y compris sur la détermination,
il me semble (c'est très subjectif) que les filles
savent mieux que les garçons ce qu'elles veulent
faire, y compris dans le cinéma. C'est le point de
départ. Après il y a la convention burlesque,
les scènes de ménages sont un peu poussées,
boostées. C'est aussi le côté guerrière,
des femmes un peu "warriors" (rires). Je me suis
demandé : "si elles prennent ça à
la lettre, qu'est ce qui se passe ?" Dans le film,
les hommes sont un peu en retard, ils sont aussi un peu
embarrassés, ils ne veulent pas paraître ringards,
ne veulent pas passer pour des ploucs.