Objectif Cinéma :
Je posais cette question aussi par rapport au reproche qu'on
a fait pendant longtemps au cinéma français,
à savoir un cinéma qui ne vise pas beaucoup
à l'universalité mais est une sorte de cinéma
de groupe, qui fonctionne en circuit fermé, de façon
"endogène".
Hervé Le Roux : En
tout cas je ne ressens pas du tout le film comme ça.
Les projections qu'il y a eu jusque-là, dont une
officiellement "équipe" mais où
tout le monde amenait ses amis, ça réagissait
vraiment. Le film a été en compétition
à Rotterdam, devant 700 spectateurs hollandais qui
ont très bien fonctionné devant le film et
qui ont ri lorsqu'ils ont vu le policeman.
Objectif Cinéma :
Moins que le côté "happy
few ", n'as-tu pas peur qu'on te reproche le côté
échantillonnage ?
Hervé Le Roux : Ce
n'est quand même pas un sitcom à l'américaine
(rires). Je ne pense pas que le film soit suspect de typage.
Au contraire, on m'a dit : "les personnages ne sont
pas assez définis, qu'est-ce qu'ils font comme métier
?" (rires). Par contre, il est clair que je ne voulais
pas boucler le film sur des solutions toutes faites. C'était
mon souci principal. Que Joss n'ait pas à choisir
entre son enfant et sa bisexualité, etc., qu'il n'y
ait pas de prise de position morale là-dessus. Je
ne suis pas Mireille Dumas ! Même elle ne propose
pas de solution..., c'est dommage d'ailleurs (rires).
Objectif Cinéma :
C'est aussi le reproche qu'on fait
à Rohmer.
Hervé Le Roux :
Encore que lui boucle plus ses personnages, il leur assigne
une fin, ils sont parfois sévèrement punis,
reçoivent une bonne fessée.
Objectif Cinéma :
Est-ce que tu te sens des affinités
avec Rivette ? Lui aussi travaille un peu sur l'hétérogénéité.
Hervé Le Roux : C'est
difficile de répondre. J'ai toujours des scrupules...
Autant, parler de Blake Edwards, ce n'est pas gênant
car ce n'est pas "noble". Rivette c'est plus délicat
; c'est un peu comme les gens qui après la mort de
Truffaut ont mis "succession Truffaut " sur leur
carte de visite. Les gens qui veulent être les nouveaux
Truffaut, les nouveaux Rivette, ça encombre un peu
le paysage. Je ne donnerai pas de noms. Il y a quelque chose
sur la liberté des personnages et du film qui me
rapprochent peut-être un peu de Rivette. Il y a des
raisons qui rendent possible cette correspondance sur cette
liberté-là, sur la liberté des personnages
féminins, sur un rapport au théâtre,
à la scène, l'autre scène. Par ailleurs,
il y a des films de Rivette qui m'autorisent des choses
d'une manière générale. Après
avoir vu "Out One", on se dit qu'on peut tout
faire, qu'il n'y a pas d'interdit. Maintenant, ce n'est
pas davantage que ça. Chez Rivette, il y a un rapport
au théâtre qui n'est pas le mien. Un côté
amour / haine par rapport au théâtre et à
la scène, le côté très souterrain
de Rivette que j'aime beaucoup mais auquel je suis très
étranger.