Objectif Cinéma :
C'est finalement assez rare dans
le cinéma français de prendre, comme tu le
fais, la comédie au sérieux, de ne pas faire
du comique à tout prix.
Hervé Le Roux : Je
ne sais pas si je vais répondre à ta question,
mais la comédie est un genre très précis.
Faire une scène comique demande une grande rigueur,
et pendant le tournage (les scènes les plus ouvertement
comiques du film, comme la scène du goudron ou le
retour de la femme de Claude, qui sont hyper découpées,
ce n'est pas spécialement drôle à tourner,
cela demande une grande précision aux acteurs aussi,
qui sur plusieurs jours de tournage doivent avoir la même
couleur, la même précision de geste ; et au
montage c'est aussi la même rigueur. Lorsqu'on fait
un plan séquence ou une scène d'émotion,
on peut faire durer les choses, ça marche toujours.
Après, évidemment, il y a l'équilibre
général du film. Lorsqu'il s'agit d'un gag,
cela demande beaucoup de précision. C'est à
fabriquer, à faire, à construire, d'une manière
rigoureuse, sérieuse. C'est même un peu frustrant
pour les comédiens : on arrive dans un magasin de
jouets, il y a le vélo au plafond, etc, et en même
temps il faut une vraie discipline. Le film était
très découpé, il était déjà
monté dans le scénario. C'est presque à
une ou deux images près. Tu restes une ou deux images
de plus sur un gag et le spectateur a l'impression qu'on
le prend pour le dernier des crétins, comme si on
lui expliquait le gag. A l'inverse, deux images de moins
et on risque de passer à côté du gag.
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Objectif Cinéma :
On peut aussi comprendre la question
différemment ; j'ai le sentiment que le burlesque
se fait toujours au risque du mépris et du personnage
et du spectateur. Comment est-ce qu'on gère ça
?
Hervé Le Roux : On
le gère dès le scénario. J'ai un principe
lorsque j'écris un scénario quel qu'il soit
et qui se répercute ensuite au montage et au tournage,
c'est que tous les personnages doivent être aimables...,
vieux gimmick renoirien sur le respect de chaque personnage.
Ca rejoint ce qu'on disait sur la violence tout à
l'heure ; c'est une question de morale, d'éthique
préalable à l'écriture de tout film.
Objectif Cinéma :
En même temps, est-ce que
tu n'as pas eu parfois envie d'être un peu méchant.
Certains films méchants sont très drôles
et très réussis.
Hervé Le Roux : Non,
pas vraiment. C'est un trio entre les personnages, le metteur
en scène et le spectateur, et je n'aime pas me trouver
dans la position où je suis avec le spectateur contre
le personnage. C'est très facile à faire,
d'être avec le spectateur, d'être dans le fusionnel
avec lui, contre le personnage Je ne supporte pas cela,
là ou ça se fait le plus, c'est-à-dire
dans le cinéma publicitaire.