Objectif Cinéma :
Je pensais plutôt à une forme de provocation
vis-à-vis du spectateur, pas forcément pour
se le mettre dans la poche mais aussi pour le bousculer.
Hervé Le Roux : Je
crois que le spectateur n'attend que ça. Il y a toujours,
dans un scénario ou dans un film, des personnages
dont on attend qu'ils s'en prennent plein la gueule. Dans
"Reprise", on avait ça, des "personnages"
qui n'étaient pas très sympathiques au départ,
et les démolir, les casser, ça pouvait presque
faire du bien ; le militant du PC qu'on voit dans le film
de soixante-huit, dans "Reprise", je suis sûr
que des gens, dans la salle, n'avaient qu'une envie, c'est
qu'on se le fasse ; les ouvrières qui cassaient la
grève et disaient que tout allait bien dans l'usine,
idem. Hé bien non. Dans "On appelle ça
le printemps", le personnage de l'exhibitionniste ou
du concierge, on peut se les payer facile, ce n'est pas
cher mais je ne vois pas pourquoi. Le mec qui regarde sa
cassette porno, c'est tellement facile de l'enfoncer. Au
contraire, s'il y a des spectateurs dans la salle qui ont
spontanément envie de ricaner devant ces personnages-là,
j'ai plutôt envie de les retourner.
Objectif Cinéma :
Lorsqu'elles décident de brûler le perso-nnage
à l'eau chaude, le spectateur est quand même
un peu bousculé, sans pour autant prendre parti contre
le personnage.
Hervé Le Roux : Oui,
mais en même temps, il se fait ébouillanté
dans la collure. On entend un cri, et ce cri est tellement
BD, le traitement est tel - la manière dont c'est
montré, pas d'image mais un son tellement déréglé
qui fini sur une langouste - qu'on sait que c'est du cinéma,
c'est une cruauté de cinéma..., le malheureux
coyote qui s'est encore une fois planté, le malheureux
Tom qui s'est encore fait avoir par Jerry.
Objectif Cinéma :
Mais le spectateur peut être
mal à l'aise lorsqu'on les voit échanger les
tuyaux.
Hervé Le Roux : Oui,
il peut se faire peur.
Objectif Cinéma :
On sent que ton film est entre deux
feux, entre un côté disons "réaliste",
qui a une prétention à parler d'un sujet donné,
le couple, et quelque chose qui est purement gratuit et
qui tend vers le burlesque. Je pense à cette scène
où la femme rentre et ou il y a tout un jeu complètement
délirant avec les personnages qui apparaissent et
disparaissent.
Hervé Le Roux : Ce
qui m'amusait, c'était de garder ces deux niveaux-là
en permanence. C'est un truc qui est dans le scénario,
ça a simplement été un enjeu de montage
pendant le bal costumé. Là, effectivement,
on pouvait partir dans le vrai burlesque, s'amuser avec
les décors, les costumes, et lâcher l'histoire,
l'enjeu.