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Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Les décors sont là pour empêcher cette sublimation...

Nabil Ayouch : Les décors, mais surtout leur vie au quotidien. Je ne pense pas, même si on ne les juge pas, que des enfants aient envie de vivre dans la rue en voyant ce film. En tout cas, il donne une autre image de la rue, et une autre image de ceux qui y vivent. Le pire, c'est la méconnaissance. Je ne savais pas avant de les rencontrer, et c'est pour cela que j'ai ressenti le besoin de passer trois ans avec eux avant de commencer à tourner, pour les voir enfin comme des êtres désincarnés.


Objectif Cinéma : Ce rapport aux adultes est traité sous toutes ses formes dans le film, qu'il s'agisse de ceux qui les jugent, les observent, ou au contraire leur donnent une seconde chance...

Nabil Ayouch : Il y a un regard de la société sur ce phénomène qui est terrible. On les juge en permanence, alors que ce sont eux qui devraient la juger. Ils sentent très bien quand les gens qui viennent les voir ont un intérêt. Cette journaliste, au début du film, vient faire son reportage deux minutes et elle s'en va... Eux, ils sont très intelligents et manipulateurs. Ils ne disent que ce qu'ils veulent dire. Il a fallu que je leur montre que je m'intéressais réellement à eux pour qu'ils me donnent enfin quelque chose. C'était le plus important: passer du temps dans la rue pour avoir leur considération.


  Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Biaiser le documentaire avec l'onirisme du conte n'était-il pas une manière de se décharger de l'aspect carnassier du média?

Nabil Ayouch : Non, c'était un regard plus attentif, qui les découvre sous un jour nouveau. C'est un univers qui m'est personnel, que j'aime, et qui est allé rencontrer une réalité. Ca a été une surprise: avant, je pensais adapter mon univers à une réalité. En fait, cette réalité s'est révélée extrêmement foisonnante. Les enfants échafaudent des fantasmes extraordinaires à partir d'un élément du décor urbain, c'est à dire presque rien. Ils vont probablement plus loin dans le rêve que la fiction elle-même. Mais c'est un rêve de normalité.


Objectif Cinéma : Dès les premières minutes, la faillite de la réalité pousse les enfants dans la légende. Le film est habité par toute une mythologie...

Nabil Ayouch : La rue a le pouvoir de mythifier les individus. Même mort, Ali reste vivant et on ne parle que de lui. Zaouak, dans les années quarante, c'était une légende vivante de la rue: une espèce de grand colosse dont les gens parlent encore. Ce statut mythique d'Ali fait que tous ses camarades s'approprient son rêve. L'île aux deux soleils, ce n'est rien d'autre que le lieu métaphorique d'une vie normale, avec un toit, une famille... Le port est une fenêtre vers cet ailleurs.