Objectif Cinéma :
La structure du scénario
se développe selon une trajectoire impressionniste.
Par petites touches métaphoriques et symboliques,
le récit devient palpable.
Nabil Ayouch : Dans
Ali Zaoua, tout se distille. Les idées naissent et
se rejoignent. Le scénario de base racontait à
peu près la même histoire qu'aujourd'hui, mais
pas en détail. L'expérience crue a énormément
influencé l'écriture. J'ai vraiment ressenti
le besoin de coucher sur papier les choses que je voyais,
avant même de les fictionnaliser. Ensuite seulement
nous avons constitué un séquencier classique,
avec des personnages fouillés et travaillés.
Objectif Cinéma :
Le film leur a redonné une
dignité, dans l'histoire et en dehors ?
Nabil Ayouch : Comme
leurs personnages, ils ont un parcours tout en ruptures:
chaque fois qu'ils initient quelque chose, il y a un moment
ou ça s'arrête, presque sans raison, si ce
n'est le frein que les gens leur opposent. Ca a enterré
en eux toute forme de dignité ou d'amour propre dans
leur rapport avec eux-mêmes et avec les autres. Le
tournage, même s'il a été très
dur et long, est arrivé à son terme. Le fait
d'avoir terminé quelque chose a fait rejaillir chez
eux cette part d'amour propre. Avant " Ali Zaoua ",
on pouvait passer à côté d'eux et leur
cracher dessus, ils ne réagissaient pas... C'est
cette quête de l'enterrement de leur copain, action
menée à bien qui leur redonne leur dignité.
Dans la réalité, c'est simplement le fait
d'avoir fait quelque chose, d'avoir terminé le film.
Objectif Cinéma :
En ce sens, l'histoire d' "
Ali Zaoua " est une métaphore très forte:
donner une sépulture décente à celui
qui n'a pas eu une vie décente...
Nabil Ayouch : Bizarrement,
l'Islam reste quelque chose de fondamental pour eux. Ils
respectent le Ramadan, en parlent sans arrêt... Etre
enterré avec des prières revêt aussi
une grande importance. C'est une référence
à laquelle ils s'accrochent. Sans famille ou amis,
ils n'ont pas d'autre point d'ancrage que la religion. Leur
rapport à l'Islam est cependant biaisé: lorsque
Kwita rencontre au cimetière cet enfant avec son
livre de prières, il n'admet pas qu'on lui réponde
qu'ici " on n'enterre que les purs ". Lui ne comprend
pas: son ami " était un prince "... C'est
à rapprocher des contes dans lesquels Ali se réfugie,
et de leurs rêves de normalité: un idéal
de fuite.