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  Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vous racontiez que petite fille, vous jouiez déjà en pension. Comment cela se passait-il ? Vous faisiez partie d'une troupe de théâtre dans le pensionnat ?

Dominique Marcas : A la fin de l'année, il y avait toujours des spectacles et je me souviens d'avoir interprété Le Petit Poucet ! J'étais passionnée et mes parents d'ailleurs allaient souvent au théâtre, ils m'emmenaient avec eux. Et à la maison, avec ma sœur de sept ans de plus que moi, on faisait des spectacles dans le salon qui communiquait avec la salle à manger. Cela n'empêchait pas ma mère de désapprouver mon métier de comédienne plus tard, ce n'était pas un monde pas très fréquentable. Je suis partie de chez mes parents à vingt ans, en 1940. Vous saviez, ce n'était pas très gai durant la guerre, on ne s'amusait pas beaucoup. Je suis rentrée dans une famille, comme institutrice, dans l'Orne et c'est ensuite que nous avons été à Paris. J'étais logée, nourrie et blanchie. J'avais un après-midi de libre tous les quinze jours. Ce n'est pas comme maintenant ! (la comédienne âgée rit comme une jeune fille)


Objectif Cinéma : Que faisiez-vous de ce temps libre ?

Dominique Marcas : J'allais au cinéma mais peu, car c'était la guerre. Vous saviez, on ne sortait pas si facilement. J'ai vu quand même la création du Soulier de Satin au théâtre, cela commençait à quatre heures de l'après-midi et cela finissait le soir vers neuf heures, juste avant le couvre-feu. On ne sortait pas le soir, de toute façon il n'y avait pas de problème : on devait rentrer ! Ensuite, je fus institutrice dans un cours privé à Paris, à Saint Augustin. Avec ma passion du théâtre, j'avais lu un article dans le journal où il y avait un cours gratuit le dimanche matin, donné à l'époque par Claude Virio qui sappelait Henri Boscque, lui-même comédien. J'y suis allé comme ça, en me disant que je ne serai qu'auditrice et jamais comédienne, à cause de ma petite taille et de ma laideur. Je suis mal foutue. Lui me rétorquait que non, que le théâtre passe de Greta Garbo à Pauline Carton. D'ailleurs, vous savez qui est Pauline Carton car vous me paraissez bien jeunes ?


Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Oui, oui ! Elle joue dans les films de Sacha Guitry non ? (je lui réponds, un brin rassurée de mon humble savoir, merci le cinéma!)

Dominique Marcas : J'ai tourné avec elle et Edwige Feuillière dans Les Fruits de l'été. Vous savez, maintenant on n'écrit plus pour des rôles comme ça. Il n'y a plus de Carette ou de Pauline Carton. Il n'y a plus que la vedette et les autres, on s'en fout ! C'est terrible. Arletty, elle a tourné cinq jours dans ce fameux Hôtel du Nord, et elle a touché soixante-dix mille francs de l'époque, elle avait quarante ans quand même ! Et puis il y avait aussi Annabella et Jean-Pierre Aumont, qui ont touché vingt millions pour quatre semaines de tournage. Or maintenant quand on parle du film, on ne cite qu'Arletty ou Louis Jouvet qui d'ailleurs n'a tourné aussi que cinq jours, et on ne parle jamais des autres ! Aujourd'hui on ne pourrait plus écrire un rôle comme celui d'Arletty, pour cinq jours seulement. Cela n'existe plus.