LE CORPS DES FEMMES

Françoise Decaux : C'est dur de répondre à ta question… par exemple, l'autre scénario que j'ai écrit et que je viens de faire lire, la personne qui l'a lu me dit ça aussi : tout est physique, les femmes sont cette espèce de plénitude du corps et que tout passe par le corps (silence)… je ne sais pas comment te répondre ?

C'est quelque chose que je ressens comme ça… mais, par rapport à la question des femmes bien dans leur corps… Quand j'ai eu un enfant, j'étais pas obsédée par l'idée de la maternité. Je faisais du théâtre, je vivais, enfin je ne sais pas comment t'expliquer… disons que c'est la personne avec qui je vivais qui, elle, était plus préoccupée par le fait d'avoir un enfant, tu vois ? C'est curieux comme truc… Et quand j'ai été enceinte, ç'a été quelque chose de magique, qui m'a complètement surprise. Totalement. Comme c'était pas ma préoccupation, le fait de me retrouver enceinte, ç'a été d'un seul coup une plénitude, avec l'homme à côté qui existait fortement, mais j'avais l'impression… c'est peut-être excessif, mais quelque chose comme d'être le centre du monde : t'es sur une autre planète. Après, quand t'accouches, tu recadres le truc, mais cet état là ça m'a vraiment surprise… Je me rappelle, après quand les filles me demandaient, je disais que de toute façon c'est un truc qu'est pas racontable… C'est peut-être complètement faux, ça c'est ma sensibilité à moi. Je l'ai bien vécu, et peut-être que d'autres femmes diraient le contraire… C'est tellement un truc… c'est un état de grâce, qui va dans des choses que tu peux pas exprimer : c'est la magie de la vie. Et, ça, c'est vrai que ça me poursuit. Quand j'écris quelque chose, il y a toujours ce moment très fort… et pourtant, je ne suis pas une maman possessive, une fana de la maternité… enfin, ça c'est mes enfants qui pourraient le dire… mais, spirituellement, c'est énorme ! Et, finalement, les garçons peuvent pas rentrer dans ce rôle (rires), ça leur échappe : ils sont exclus. J'adore les hommes… vraiment… j'aime vraiment les hommes, mais, ce mystère de la vie, je trouve que la femme le possède totalement, je peux pas l'expliquer…

Alors, c'est peut-être pour ça que les femmes ont cette force, cette générosité, car quoi qu'il arrive, elles ont cette puissance de mettre au monde un enfant. Mais, c'est dur de répondre… c'est une émotion… c'est marrant qu'on me le dise deux fois pour deux films différents, et l'autre est pas fait, il est sur le papier. Et toi, qu'est-ce que tu penses de ça ?

T'as vu dans le film, quand la petite montre son ventre à un moment… j'allais dire, c'est presque par hasard, c'est pas une volonté c'est parce qu'elle est mal, finalement. C'est pour respirer, et en même temps, c'est prendre conscience de ça, ce que tu décries comme un acte collectif, cette dépossession de ta propre grossesse, presque de ton corps : il y a tout le monde qui la regarde, j'adore cette scène. Le regard de tout le monde devant cette chose inaccessible, inappropriable en tout cas. C'est comme cette scène où Clémentine a besoin de toucher le ventre pour vérifier… ça a à voir avec la présence qui n'est pas encore au monde et pourtant… moi, j'ai toujours refusé qu'on me touche comme ça. Quelle aventure ! Tu veux faire du cinéma ? T'as fait ou tu veux faire des courts métrages ou des films ?