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LA NORME, MORT SOCIALE

Françoise Decaux : Oh, oui ! Pour faire les repérages du film, je suis allée voir plein de petits pavillons… enfin, petits, mais chers, tu vois, ces maisons avec piscine… Donc, je suis allée visiter plein d'intérieurs de maisons, et la chose qui m'a frappée le plus, quelque chose dont j'ai horreur et que j'ai eu sous les yeux, c'est que toutes ces maisons, toutes meublées, dedans il n'y avait rien qui reflétait la personnalité des gens qui y vivaient. Il n'y avait rien qui me montraient ce qu'ils étaient vraiment. C'était tellement l'apparat… Le reflet de ce que la société propose. Non, impose. Même dans leur façon de s'habiller… je trouve qu'il y a un manque de liberté dans la norme, c'est ce qui me gène le plus. J'ai l'impression d'être encore au Moyen-Age. Si tu veux, il y a plein d'idées qui passent, qui arrivent dans le début du film, sur comme tu disais l'éclatement de la liberté. C'est ça, c'est le Moyen-Age ! On est encore emberlificotés dans ces questions d'apparat qui nous bouffent la vie, j'ai l'impression que c'est très étroit encore, même si ça bouge. Je trouve que c'est encore très " ça doit être comme ça ", tu vois ? Et, dans la création, t'es confronté à ce genre de choses. Alors, je me dis que si dans le cinéma, tu peux pas faire exploser ce genre de choses, au secours !

Et puis, je voulais faire un film… En ce moment, je trouve qu'il y a des films magnifiques sur les femmes, sur les gens de trente ans, mais qui sont d'une tristesse ! C'est le contraire que j'ai voulu faire. C'est à dire que je voulais un film où les acteurs puissent s'exprimer, puissent crier, hurler, dire des conneries, et on me reprochera ce genre de choses, c'est sûr… j'avais envie que mes acteurs (j'aime dire MES) s'éclatent, prennent leur pied. C'est une recherche de liberté. Alors que dans ces films, pas tous bien sûr, il y a toujours une tristesse… des non-dits, tu vois, les gens ne se parlent pas… Des gens de la trentaine où chacun est coupé des autres, fait son truc, et personne ne dit rien. Et là, j'ai voulu faire le contraire, où les gens s'expriment, s'interpellent, se contredisent. Je voulais que ça pète. Qu'on parle de sujets graves mais pas du tout du côté réaliste, empesé… il y a un côté pas réaliste, malgré tout : il y a une distance avec la réalité.


DISJONCTE

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Françoise Decaux : Je te parlais de censure, et là tu mets le doigt dessus. Au démarrage, mon film, le film que je voulais faire était beaucoup plus disjoncté. L'orchestre qui débarque, le mec qui se fait exploser… le scénario, c'était que ça. Mais, c'était hyper compliqué. Que ce soit au niveau financier, ou au niveau de la lecture du scénario, mon producteur était fou. Donc, j'ai pas pu aller au bout de mes idées. Heureusement qu'il en reste, même si à mon goût pas assez… mais les gens ont eu peur d'aller trop loin. Dans le scénario, chaque scène avec les deux filles était le lieu, soit en arrière plan soit par intrusion, d'événements cocasses de la vie, de tableaux de la folie ordinaire. Et je n'ai pas pu aller jusqu'au bout de ça, je regrette ça. D'autant que j'ai l'impression qu'il y a des gens qui sont déboussolés par ces scènes, justement parce qu'elles sont trop rares et semblent tomber comme un cheveu sur la soupe. Du coup, ils se posent des questions, et c'est exactement ce que je voulais éviter : je voulais qu'ils se prennent le film en pleine poire. Ce film, il n'y a pas de questions à se poser, il suffit de le recevoir. J'ai voulu traduire des émotions sur les hommes et les femmes, c'est tout. Après, je ne sais pas si je t'ai répondu ?