Objectif Cinéma :
Les personnages sont plongés
dans un climat environnant assez dur, agressif.
Raphaël Nadjari :
Le climat environnant appartient à l'aspect documentaire.
C'était une façon de témoigner très
vite de la disparition d'un petit commerce et des habitants
de la rue, de la disparition de l'identité véhiculée
à un moment dans la ville.
Objectif Cinéma :
Les personnages cherchent à
se trouver une communauté, à tisser des liens,
et à se préserver de la violence extérieure,
incarnée par la ville.
Raphaël Nadjari : Simon
dans The Shade, comme Ben le grand frère ici, mais
pas pour Abe, qui est dans la transgression. Ben, c'est
vrai, se préserve de la ville : il s'enferme, se
cache. De ce point de vue, Ben et Simon se ressemblent assez.
Objectif Cinéma :
En même temps, avec le personnage
de Jill la prostituée, Abe se construit un petit
nid protégé des violences de l'extérieur.
Raphaël Nadjari : Il
essaie de se construire un petit nid et en même temps
lui dit : " why don't you go out ?". Elle lui
répond qu'elle ne prend pas de rendez-vous amoureux
avec ses clients. Quant à Ben, qui veut protéger
la famille, il protège en fait la culpabilité.
C'est ce qui est horrible dans ce personnage : le fait de
culpabiliser en permanence. Abe ne transgresse pas spécialement
la loi, il transgresse la culpabilité. Et il s'en
va faire sa vie.
Objectif Cinéma :
Dans ton film, tu donnes un caractère
inquiétant, voire effrayant, à ce personnage
de Ben. Je pense à cette phrase qu'il dit à
son frère : " Je sais ce qui est bien pour toi
".
Raphaël Nadjari : Oui,
il veut le contrôle absolu. C'est le problème
des religions, des traditions, des concepts psychanalytiques
; à un moment donné, ce sont de belles choses,
originelles, primitives, justes humainement parlant, mais
quand on ne les analyse plus, quand on ne les pense plus,
on entre alors dans la culpabilité. On applique cette
culpabilité sur les gens et c'est très dur
de s'en dégager parce que la plupart du temps on
essaie d'enlever leur conscience. L'histoire de ce personnage
(Abe), c'est l'histoire d'un personnage qui va réacquérir
sa conscience. Cela passe par le corps, puisqu'il va se
faire casser la gueule.