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  Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Pourquoi mal édités ?

Christian Jouhaud : Il n'y a aucune présentation critique sérieuse, seulement quelques indications sur les personnages les plus célèbres cités dans le texte par Grace Elliot. De même, il n'y a aucunes réflexion sur ce qu'est ce texte et la manière dont il est construit. Mais c'est bien sûr une bonne chose qu'il soit à nouveau disponible. Or quand on le lit, une première évidence s'impose : Rohmer affirme que Grace était au départ plutôt " progressiste " voire favorable à la Révolution avant de reculer d'horreur devant les excès de la terreur, affirmation reprise par tous les journalistes et à laquelle une lecture même superficielle apporte un démenti immédiat. En réalité, il n'y a pas un seul mot de la première page à la dernière page du livre qui soit, ne disons pas même favorable à la Révolution, mais nuancé ou neutre. Et ce n'est pas parce que Grace Elliott était une Anglaise que son texte n'est pas celui d'une royaliste ultra... La terreur n'y est pas spécifiquement dénoncée, car on peut lire la haine de la Révolution dès le début du mois de juillet 89. Du premier jour la Révolution est pour elle " horrible " " effroyable " " abominable ". L'occultation de cela par Rohmer et ses commentateurs est significative : pour nous la rendre proche et " vraie " il ne fallait pas voir dans l'héroïne une monarchiste farouche et fervente, sinon toute la vision du peuple et du gouvernement révolutionnaire aurait paru évidemment questionnable.

J'ajoute que lorsqu'on lit ce texte d'un bout à l'autre, il est évident qu'il fourmille d'erreurs, et pas seulement des erreurs de dates. Grace Elliot confond les lieux, la distance entre les lieux, ce qui est assez bizarre pour une femme qui vivait à Paris. Il semble qu'elle ait aussi écrit à la première personne des faits empruntés à d'autres mémoires. Or il se trouve que l'on a pu voir dans les Cahiers du Cinéma un dossier, le premier qui ait paru sur ce film d'ailleurs, avec un long article de Marc Fumaroli qui prenait ce texte, au contraire, comme un modèle de mémoires apportant un point de vue intérieur et subjectif et donc " vrai " sur le passé. La dernière chose que je voudrais dire à propos du texte, c'est combien Rohmer l'a durci systématiquement dès qu'il y est question du peuple alors qu'il a scrupuleusement respecté d'autres passages (par exemple les dialogues entre Grace et le duc qu'il s'est le plus souvent contenté de mettre au style direct).

Objectif Cinéma (c) D.R.

Arlette Farge disait tout à l'heure qu'il fallait discuter des positions idéologiques et du type d'intervention que ce film produisait dans l'historiographie de la Révolution Française. A ce propos, on ne peut qu'éclater de rire, ou de colère suivant son tempérament, quand on nous dit à peu près partout dans la presse et à la télévision " ah enfin un film qui lève un tabou sur la Terreur ".