Objectif Cinéma :
Le repas est aussi une forme de communication entre vos
personnages, je pense à la séquence où
la mère donne à manger au père disparu,
au grand étonnement du fils.
Tsai Ming-Liang : Les
repas permettent de retrouver une continuité par
rapport à cette famille qui s'est un peu éclatée
par rapport à La rivière. Le repas, la nourriture,
c'est quelque chose de très important pour les Chinois.
C'est le moment où la famille se retrouve à
table pour parler, discuter. Dans La rivière, aucun
des membres de la famille ne se retrouvait vraiment pour
partager un repas ensemble. Chacun mangeait à son
heure. Là, à cause de la mort du père,
la mère et le fils essayent de rattraper quelque
chose. Ils se retrouvent tous deux à table avec une
chaise vide où s'installe peut-être le fantôme
du père. Ce dernier représente en tout cas
la conscience de cette famille qui n'existe plus comme avant.
Tout d'un coup, ils essayent de rattraper le temps perdu.
Il y a une volonté de recréer un lien familial
par le repas.
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Objectif Cinéma :
Vous filmez les mêmes lieux
depuis Les rebelles du Dieu Néon. Comment arrivez-vous
à les réactualiser de film en film, à
innover dans la répétition en quelque sorte
?
Tsai Ming-Liang : Effectivement
je tourne toujours dans le même appartement, celui
de Kang. Pour le tournage, on a modifié le décor,
mais l'appartement a lui-même changé au fil
des ans : tout le monde chez soi change les meubles ou leur
disposition. Là, on retrouve l'aquarium, avec le
poisson qui était petit à l'époque
de La rivière et qui a maintenant grandi
Pour
ce film-ci, j'ai demandé aussi au décorateur
d'apporter une ambiance différente, avec des couleurs,
etc. Un appartement, c'est comme une personne qui change
de visage avec le temps : en changeant d'aspect, il montre
ainsi qu'il vit.
Objectif Cinéma : Est-ce
que vous n'avez pas envie d'aller tourner ailleurs ?
Tsai Ming-Liang : J'aime
beaucoup l'appartement de Kang, c'est un appartement type
de Taipei. Un seul élément ne change pas d'un
film à l'autre et permet de garder une certaine unité,
c'est la couleur verte du sol, que j'apprécie beaucoup.
Je demande toujours au décorateur de la conserver.
Objectif Cinéma :
Que vous a apporté la coproduction
française ?
Tsai Ming-Liang :
Je vis à Taiwan mais je suis originaire de Malaisie.
Beaucoup de gens à Taiwan n'apprécient pas
mes films et j'ai de plus en plus de mal à trouver
des investisseurs pour financer les films qui me tiennent
à cur J'ai dû me tourner vers l'étranger,
où beaucoup de producteurs français ou japonais
veulent produire mes films.