Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 

Le tournage d'un film n'est plus un tournage où l'on puisse bien travailler. On n'a plus le temps. On peut être coincé par des horaires de feuilles de services où tout est marqué, calibré : manger de telle heure à telle heure, tourner tant de plans et pas plus sinon c'est la catastrophe et le directeur de production vous tombe dessus. C'est ce que j'ai connu pour mes quatre précédents films. Je ne crois plus à un tournage de cinéma. Si ce n'est bien organisé et il faut du temps alors. Si le film demande quatre personnes, faisons-le avec ces quatre-là et ne mettons pas dix-huit personnes sur le film juste pour obéir au syndicat et aux combines d'amis ou du producteur. Il y a plein de choses dont on n'a pas besoin pour tourner un film, les moyens peuvent manquer car on a profité d'hôtels de luxe inutiles par exemple. L'argent dépensé sur un tournage passe dans ces dépenses de luxe social et non pour le luxe disons artistique. Le luxe peut être dans les conditions de travail. Dans le temps de recherche consacré à l'élaboration du film, à pouvoir penser et travailler dans le temps avec les comédiens. C'est ce que j'ai eu pour Vanda. J'ai choisi de ne pas être payé, j'ai commencé comme ça. Il fallait juste acheter des cassettes vidéos, en plus de la caméra, et ce n'est pas très cher.


Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Combien vous a coûté le film ? Et quel type de montage avez-vous utilisé ?

Pedro Costa : Il doit coûter environ 1% d'un film moyen portugais, et je ne dis même pas français qui sont plus chers ! Ce qui est revenu très cher c'est le kinéscopage du film en 35mm. Le problème est que parfois on se fait piéger naïvement, mais c'est un film très naïf aussi. Où il y avait une dimension quasi impossible dans le film même : je ne savais pas si j'arriverais à entrer dans le monde Vanda et ne sachant pas quoi raconter de ce monde auquel je n'appartenais pas. Tout l'effort consistait à essayer d'appartenir à ce quartier, et le faire de manière intéressante et vivante à l'image, avec des moyens impossible dans un espace réduit. La chambre de Vanda ne fait que 3 mètres carrés à peine, une toute petite pièce et où le cinéma arrive à fabriquer des choses " bigger than life " comme ils disent. Il y a le lit dans la chambre et environ cinquante centimètres d'espace où j'étais à la filmer, debout. Contre le mur ou contre le lit. Le quartier contient 9000 personnes dans un espace réduit. Ce que l'on a lu dans les livres terrifiants qui annonçaient ces vies dans des catacombes, cela existe. A Lisbonne comme à Alger ou à Rio. Je ne sais pas si cela existe ici en France, il faudrait aller voir.

Donc pas d'espace, pas d'eau potable, l'air est mauvais, on mange mal, on a froid, on a trop chaud. Je voulais parler de cela car je sentais que l'on pouvait le faire ressentir dans le film. Deux ou trois choses de la vie des gens, tout simplement. Et je ne pense pas qu'avec un tournage classique on puisse faire cela, où alors avec énormément d'agent et de temps afin de respecter son projet. Mais je ne crois pas que cela existe, il faut penser à d'autres formes de production. Pour le montage sur AVID, j'étais naïf, cela ne suffit pas de vouloir faire un film sans moyens et j'étais peut-être trop seul avec mon copain qui faisait le son. Il n'était pas tout le temps là car il devait travailler pour gagner sa vie car je n'avais rien pour le payer, ou alors un peu quand j'en avais. Je me suis fait piéger par ce qui se passe en ce moment avec la digital vidéo. Tout le monde dit que c'est la liberté du cinéma, la nouvelle vague pour tout le monde. Lars von Trier l'affirme : tout le monde peut faire des films. On voit ce qui se passe (rires communs et complices). Avec lui, ça coûte mille fois plus que n'importe quel film français en 35mm. Il dit des conneries. Le piège est le montage en AVID qui est cher, il faut des disques et cela coûte très cher avec 120 heures. Et il faut du temps pour monter. De même, personne ne dit que le son Dv est mauvais, les techniciens vont tellement vite dans les progrès d'image alors que le son est à la traîne. Ce n'est pas par hasard. C'est une guerre économique énorme entre les grands groupes industriels.