Objectif Cinéma :
On a du mal à imaginer une
équipe de tournage de 50 voire 100 personnes dans
le quartier où vit Vanda.
Pedro Costa : Au
début, je pensais ne pas pouvoir tenir, que cela
me demanderait de fournir un effort énorme.
Objectif Cinéma :
Vous alliez tous les jours chez
Vanda ? Comme pour aller au travail ?
Pedro Costa : Oui,
tous les jours et sans feuille de service. Vous savez ce
que c'est une feuille de service au cinéma ? On vous
la donne tous les jours et c'est très militaire,
hiérarchisé. Là vous avez tout : comment
faire sur un tournage et comment vous tenir. Quel costume
ou quel décor à prendre, quand tourner et
à quelle heure. Quand vous devez manger et quand
vous devez partir. Et moi je ne peux pas. Vais-je pouvoir
faire ce plan de 11h à 11h40 ? On ne sait jamais
et même un photographe quand il fait une photo. Mais
on peut faire semblant de dire oui, que le plan est bien
fait et que l'acteur était bon alors que l'on n'est
jamais sûr vraiment d quoi que ce soit. Mon idée
est que le cinéma, personne ne sait ce que c'est.
C'est inimaginable, à l'heure actuelle, pour un jeune
type, qui veut faire un court-métrage, en face d'un
producteur et de lui dire : " voilà monsieur,
je ne sais pas quoi faire, je ne sais pas ce qu'est le cinéma
mais je veux faire un film." Tout cinéaste responsable
doit dire cela, c'est la vérité. Après
il demande un peu de moyens pour chercher cette chose, avec
des copains ou avec quarante personnes si c'est le cas.
Il faut avoir seulement ce dont on a besoin, et non le double
ou le triple car les suppléments vont toujours ailleurs,
jamais pour le film, mais dans les voyages, les hôtels
de luxe. Tout est devenu star à notre époque.
Et cette notion de star ou de chef-d'uvre pour n'importe
quel film qui sort maintenant chaque semaine nuit au cinéma.
Cela conduit à rien : mon film n'est pas un chef-d'uvre
et cela fait du mal. Il faudrait faire des films plus simples,
avec de stars pourquoi pas, et les sortir correctement sur
les écrans sans faire des catégories. Ce qui
est impossible !
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Objectif Cinéma : En
vous écoutant, je repense à ce que Jean-Luc
Godard déclarait à Bernard Pivot, lors de
la sortie de son film Hélas pour moi, de vouloir
retirer son nom du film et séparer ainsi le personnage
" godard " de sa personne propre
Pedro Costa : Des
gens comme Godard ou les Straub, moins connus du grand public,
sont devenus des marques. Godard est devenu un slogan et
qu'il fasse un film plus ou moins inachevé ou un
chef-d'uvre, ce sera toujours du Godard. Je regrette
un peu qu'il n'y ait plus de système comme il y a
eu à Hollywood.