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Le passage éclair du film à la télévision (France 3, 27 octobre 2001, 20h50), nous permet de retrouver Jean-Jacques Beineix pour un second entretien. Il revient sur Roselyne et les lions, sa nouvelle version, mais aussi sur ses préoccupations personnelles.
  Objectif Cinéma (c) D.R.

Jean-Jacques Beineix : Roselyne et les lions, c'est vraiment un fantasme d'enfant. C'est un peu le " tour de France par deux enfants ". C'est le seul de mes films qui ne soit pas adapté d'un roman. Je me suis alors demandé pourquoi j'avais toujours adapté des livres. Cela devait être par paresse, car j'avais assez de vécu pour imaginer des tas d'histoires. J'ai toujours greffé des éléments plus personnels dans ces histoires adaptées, je les ai articulées autour d'une thématique plus intime ou autobiographique déguisée. Le personnage de Thierry dans Roselyne, c'est d'abord Thierry Le Portier, mais en me racontant ses souvenirs, il me rappelait fort le mauvais élève que j'avais été. Il séchait les cours, avait toujours des souris dans les poches, allait en loucedé au zoo prendre des cours de dressage. Là, il a rencontré sa femme, Roselyne, compagne des premières années de galère, au terme desquelles, lui, le gadjo, un garçon qui ne vient pas du monde du cirque, s'est imposé dans le monde du cirque. D'une certaine manière, mon parcours est similaire : dans mon enfance, je quittais l'école pour aller au cinéma, dans le même quartier que Truffaut-Doinel.

Roselyne et les lions, c'est la découverte de l'initiation en trois époques : le Paradis, l'initiation (le voyage) et enfin, l'épreuve finale. Le film est à plusieurs niveaux. Je n'arrive pas à comprendre que certains n'y aient vu que de la naïveté. Il s'agit bien au contraire d'une certaine lucidité, une vision personnelle de la cruauté du monde du spectacle.

Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Toute la question est de savoir s'ils auront perdu leur innocence au terme de leur voyage ?

Jean-Jacques Beineix : Je pense qu'ils l'ont perdu. Le tragique (et le paradoxe) du spectacle, c'est qu'on perd son innocence. Une partie de l'enjeu du spectacle, c'est la mise en scène de cette défloraison. Il faut vivre avec, on devient alors un professionnel, à l'instar de Roselyne. Il y a un aspect sacrificiel. On rejoint aussi des thématiques plus classiques comme chez Baudelaire : la mise en scène allégorique de la Belle, la Beauté triomphant de la Mort.

J'ai longtemps été choqué et très blessé par ce refus de comprendre les différents sens du film, alors que je voyais parallèlement d'autres films qui n'avaient guère plus de sens, mais auxquels on en prêtait un. Dans Roselyne et les lions, le spectacle comme tentative d'apprivoiser la mort est d'autre part assez kitsch, mais cela ne veut pas dire qu'il n'a pas de sens. C'est un peu la mise en scène du rituel du dompteur. Il y a aussi tout un discours sur le style et la liberté de l'artiste.