Objectif Cinéma :
À partir de quand a pu commencer
le montage ?
Jean-Jacques Beineix : Cela
s'est fait petit à petit. Il y a eu une nouvelle
équipe chez Gaumont, nous avons pu le réaliser
cette année, même si nous étions motivés
depuis plusieurs années. Il faut véritablement
avoir de la constance. C'était très difficile.
Si le film avait vingt ans de plus, on aurait appelé
cela de la restauration. Il y a par exemple une scène
entière de chanson par Carole Fredericks. C'est une
diva dans la cage au milieu des fauves, une version kitsch
de Diva pendant deux minutes, une longue scène de
chant que j'ai voulu remettre dans son intégralité.
Objectif Cinéma :
Une scène pas très
évidente à tourner
Jean-Jacques Beineix : Non
parce que c'était au milieu des fauves, il y avait
le problème des raccords par rapport aux bêtes,
les mouvements de la caméra
C'est un exploit
d'un autre temps, non technologique. Mais aujourd'hui, l'exploit
doit être technologique. Dans le film, les acteurs
affrontent les lions sans rien
Objectif Cinéma :
On se demande d'ailleurs si ce film
pourrait être réalisé aujourd'hui de
la même façon
Jean-Jacques Beineix : Non,
je ne le crois pas. Le propos apparaîtrait comme beaucoup
trop dangereux. Thierry Le Portier me racontait que sur
le plateau de Gladiator, aucun des acteurs ne s'était
approché des fauves. Là se posent des questions
d'un autre ordre : ce n'est pas la vie d'un homme qui rend
toute prise de risque impossible, mais le coût du
film. Ou plutôt, c'est la vie d'un homme, parce qu'il
est le dépositaire d'une valeur économique,
et que sa disparition entraînerait une déperdition
économique, financière. Si c'est un quasi
anonyme, ce n'est pas la même chose.
Objectif Cinéma : Roselyne
et les lions n'est d'ailleurs pas un film qui a coûté
si cher que cela
Jean-Jacques Beineix : Non,
mais mes films n'ont jamais coûté si chers
que cela. En général, la valeur ajoutée
est sur l'écran. Alors que pour certains films, on
se demande bien où est passé l'argent
La version intégrale m'a permis de donner une véritable
place aux personnages secondaires : comme chez Balzac ou
Zola, les héros vous entraînent dans des aventures
et côtoient des personnages qui eux-mêmes racontent
des histoires, qui vous éclairent sur les personnages
principaux. Si on me disait, " pour la fin de ta vie,
tu n'as plus qu'un seul film à faire ", alors
je tournerais une adaptation de L'éducation sentimentale.