Objectif Cinéma :
Il continue sa vie à l'étranger
?
Jean-Jacques Beineix : Oui.
Et je ne désespère pas que sur le long terme,
le film puisse faire quelque chose au niveau international,
sachant qu'il a malgré tout bénéficié
d'un très mauvais démarrage sur la France,
qui reste un pays leader, qui donne le " la "
sur l'international. Ce n'est pas facile d'être le
régional de l'étape !
Objectif Cinéma :
Et quand vous parliez tout à l'heure de télévision,
votre côté " feuilletoniste " vous
pousserait-il à réaliser un feuilleton télévisé
?
Jean-Jacques Beineix : Oui,
certainement, d'une part. D'autre part, la télévision
m'a procuré beaucoup de plaisir quand j'étais
plus jeune parce que j'y ai vu beaucoup de films. A partir
du moment où votre cinéma ne reçoit
pas de label art et essai et que vous n'êtes pas non
plus un blockbuster, vous êtes nulle part, et si vous
êtes nulle part, vous allez ailleurs. Il y a quelque
chose d'une dialectique guerrière.
Objectif Cinéma :
Pour l'instant vous en êtes
juste au stade de la réflexion
Jean-Jacques Beineix : Oui,
mais force est de reconnaître que je me situe de moins
en moins bien dans ce cinéma français d'aujourd'hui.
Objectif Cinéma :
Pour revenir à Roselyne et
les lions, par rapport au montage, est-ce que vous avez
été très critique par rapport aux images
tournées onze ans plus tôt ?
Jean-Jacques Beineix : C'est
l'avantage d'avoir du recul par rapport à ce qu'on
a fait. Quand on est dans une action, on a très peu
de temps pour décider, on n'a pas toujours la lucidité,
il y a la fatigue, la routine, les contre-temps, les impondérables,
un certain nombre de facteurs qui vous amènent à
faire des erreurs presque endogènes, dans le script,
parce qu'on a jamais été assez loin dans la
simulation : un script n'est jamais qu'une simulation d'une
situation, c'est une projection conceptuelle et littéraire
d'un univers bien réel. Quand vous écrivez
" un soir, dans une gare, au bord d'un quai, un homme
attend ". Quel homme ? Quelle gare ? Quel soir ? Quel
quai ? Quelle lumière ? Il pleut ? Il fait sec ?
Il fait beau, il y a du vent ? Comment est-il habillé
? Une fois qu'on a répondu à tout cela, y
a t-il un mouvement de grue ou non ? Un plan fixe ? un travelling
? On se pose la question de l'écriture, pourquoi
a t-on écrit ça ? Aurait-on pu faire mieux
? On se repose la question du palimpseste, celle d'écrire
une histoire plus serrée, dans laquelle la dramaturgie
sera mieux servie. J'ai écrit une dizaine de scripts
de films de trois heures : les six films que j'ai faits,
plus un film L'épi d'or, tourné finalement
pour la télévision par Fabrice Cazeneuve.
C'est l'histoire d'un couple de jeunes mariés qui
part en voyages de noces, se retrouve coincé dans
une grève des transports aériens et qui est
obligé d'aller se réfugier chez une belle-sur
qui habite Paris. C'est une sorte de ratage de leur lune
de miel. Ils finissent par vouloir repartir vers leur village
natal, mais il y a une grève des trains ! C'est une
sorte de conte amer, sur le mariage et la vie. J'ai écrit
aussi un scénario pour les Charlots, qui s'appelait
L'apocalypse en chantant ou le berlingot magique ! J'ai
écrit mes Vampires. Je les ai écrits au moins
six fois ! ! J'ai calculé que j'avais passé
au total plus d'une année non stop sur ces dix-huit
ans : 4 mois à New York, trois mois à Paris,
trois ou quatre mois à Los Angeles, etc. Six écritures
différentes