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Objectif Cinéma : Est-ce que les metteurs en scène avec qui vous avez travaillé ont toujours une idée précise de ce qu'ils veulent ?

Eduardo Serra : C'est toujours un problème de code et de langage. Certains comme Leconte ont des idées très claires et très précises sur ce qu'ils veulent et on peut discuter facilement. D'autres ont des idées précises qui ne font aucun sens pour nous quand ils les expriment. Pour le zèbre, Thierry de Ganay, producteur qui a un œil extraordinaire (il a produit quelques unes des plus belles pubs, visuellement parlant) voulait un film " bleu et chaud ". Pour nous, cela ne fait aucun sens, c'est contradictoire : " chaud ", c'est une gamme de couleurs qui va du jaune au rouge et " bleu ", c'est froid. Alors il faut chercher. Là c'est un exemple caricatural, mais c'est quelque chose qui arrive souvent parce nos interlocuteurs n'ont pas nos codes, nos mots techniques. Il faut souvent dans quelque chose qui ne fait pas sens, aller plus loin et voir quelle est sa logique, où est son sens... Dans le cas du zèbre, bleu et chaud signifiait un côté film californien, bord de mer... Dans ces cas là il faut se réunir autour de plusieurs images et voir comment le cinéaste réagit au fur et à mesure qu'on les regarde. Petit à petit on peut cerner ce qu'il veut en se référant à des images mais ça ne passe pas par des mots.


Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Prenons les deux films de Claude Chabrol que vous avez éclairés. Comment avez-vous fait avec lui qui ne vous donnait aucune indication visuelle...

Eduardo Serra : Pour rien ne va plus, c'est une lumière assez simple, c'est une logique de lumière, un peu théâtralisée si on veut. Sur au cœur du mensonge, la lumière est déjà un élément de récit pour moi, et cela fait partie de la construction dramatique du film d'avoir accentué le côté froid. J'avais décidé de travailler les bleus, j'ai fait des filtrages particuliers pour aller dans ce sens là, d'autant plus que le film s'est appelé au moment du tournage la couleur du mensonge et aussi trompe l'œil et je souhaitais garder cette idée de trompe l'œil, en exacerbant le bleu de la mer pour faire de la couleur un personnage du drame.


Objectif Cinéma : L'avant-dernière scène du film est marquante de ce point de vue là quand les deux personnages principaux sont assis au bord de la mer et que le ciel et la mer prennent une teinte de plus en plus sombre...

Eduardo Serra : J'avais envie que cette scène commence en fin de journée et qu'elle se termine noyée dans le bleu et le sombre. Par rapport aux dialogues, il n'y a pas nécessairement de passage de temps, quelque chose peut se passer au même moment.


Objectif Cinéma : Il y a presque un côté hors du temps, irréel.

Eduardo Serra : Oui, c'était moins une logique de récit qu'un effet dramatique.