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Objectif Cinéma : Le premier long métrage produit, c'était Tombés du Ciel ?

Frédéric Brillion : " Non, c'était Blanc d'ébène. C'est un film qui s'est monté de la façon suivante : avant de monter Epithète en 1985, on est parti en bagnole tous les deux avec Gilles, trois mois en Afrique, histoire de prendre de grandes vacances avant de se mettre au boulot...On est allé en Guinée où on a rencontré des personnages assez étonnants. La Guinée était alors un pays fermé depuis 25 ans et qui se rouvrait à l'Occident. On a été reçu d'une manière extraordinaire. Comme on était né la même année de l'indépendance de la Guinée, ils voyaient presque un symbole là-dedans ! On a rencontré des vieux guinéens qui nous ont raconté leur guerre de manière extraordinaire...On est revenu très emballé de tout ça et on a monté notre boîte. Quand on a voulu faire un long métrage, on ne connaissait pas de réalisateur avec un scénario prêt à tourner, alors on a regardé les films qui avaient l'avance sur recettes mais pas de producteur. Il y en a toujours quelques-uns qui traînent. Sur les cinq ou six films, il y avait le projet d'un réalisateur guinéen, qui se passait en Guinée pendant la guerre de 40 ! Dans un village où on était passé...En plus on en revenait juste, on avait toutes les images de là-bas en tête, cinq ans avant, on avait écrit des courts métrages qu'on a jamais produits mais qui devaient se passer là-bas... l y avait un espèce de signe incroyable de rencontrer exactement le truc auquel on avait pensé, et qui venait en plus d'ailleurs ! On est partis là-dessus comme des fous et on ne s'est pas si mal démerdé que ça puisque huit mois après le film était en tournage. On a pas trouvé le metteur en scène du siècle, très loin de là, par contre on a eu des techniciens hors-pair, de très grande qualité, qui ont su pallier la nullité du metteur en scène - faut bien le dire -, qui a fait un film d'une très grande dignité, pas populaire, pas public, un peu naïf, mais d'une belle qualité. C'était le premier film français en son 100% numérique, qui est quand même un challenge en soi ! Il y avait une image de Patrick Blossier qui était assez magnifique, assez éblouissante, beaucoup de charme...c'est un film dont on se dit qu'il faudrait bien se refaire une petite projection parce qu'on l'a pas vu depuis quatre-cinq ans, et qu'on a envie de voir ce qu'on faisait à cette époque-là ! Le film a reçu plein de grands prix dans de petits festivals (compétition officielle à Montréal, sept-huit festivals, une dizaine de prix), aucun succès public (je crois qu'on a fait 10 000 entrées France). Cela nous a appris ce qu'était un long métrage à produire, c'était un long métrage compliqué, à huit cent kilomètres de Conakry, obtenir de l'argent de la Guinée, faire sortir de l'argent d'un gouvernement africain (à côté de ça, obtenir de l'argent des chaines de tv ou des soficas, c'est carrément un distributeur de billets !). Dans la foulée de cette expérience, on a rencontré Philippe Lioret, qui avait son scénario, qui a retravaillé dessus pendant un an, et on l'a produit. On a tourné Tombés du Ciel qui n'était pas non plus une simple opération parce que tourner dans Roissy pendant trois semaines a d'abord fait reculer Aéroports de Paris qui a refusé; on a fait monter le scénario jusqu'à Jean-Louis Bianco, ministre des transports de l'époque qui l'a imposé à la direction des Aéroports de Paris. C'était complexe techniquement... Et puis Philippe s'est avéré être un bon cinéaste, avec un film qui a eu un gros succès d'estime, des critiques formidables, prix du scénario et de la mise en scène au festival de San Sébastian. Le film a bien vécu, pourtant, personne ne voulait distribuer ce film.