Objectif Cinéma : Quels
sont les défauts les plus fréquents que tu
peux signaler lors des visionnages de premiers courts métrages
?
Frank Beauvais : Je
n'aime pas distribuer les bons ou mauvais points. Il y a
plusieurs travers mais qui à mes yeux seront des
travers et qui pour d'autres ne le seront pas. Tout dépend
des pays, de la formation du cinéaste, s'il est passé
par une école ou s'il est autodidacte. Les écoles
ont leur cachet, on sait plus ou moins à quoi s'attendre
avec chacune d'entre elles. Globalement les défauts
sont liés à l'apparition de la Dv et de la
Hi 8, des gens qui réalisent leur film de manière
complètement amateur et qui se disent " tiens
pourquoi pas ". Il ne faut pas confondre le brouillon
tourné à la maison, du film pensé et
réalisé avec de l'argent. Cela arrive fréquemment
que des travaux amateurs nous soient envoyés, on
les regarde mais il faut avoir conscience qu'on ne s'improvise
pas cinéaste comme ça, c'est du travail, ce
n'est pas parce qu'à Noël, on a reçu
un caméscope qu'en février on va pouvoir être
diffusé sur une chaîne nationale. Il y aussi
plein d'autres choses, toute cette vague de courts métrages
purement techniques, avec un appareillage très coûteux,
qui délaissent le scénario et la direction
d'acteurs. Le principe est de singer des longs métrages
à succès ; et on sent particulièrement
en France une influence de gens comme Jan Kounen ou Luc
Besson .
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Objectif Cinéma :
Quels sont les conseils que tu peux
donner à de jeunes cinéastes, toi qui as d
ailleurs réalisé un court ?
Frank Beauvais : Je
ne sais pas, je me rappelle juste d'un entretien avec Coppola
après "Apocalypse Now", qui se réjouissait
de l'apparition de la vidéo et qui disait que ça
allait changer beaucoup de choses parce que peut-être
des cinéastes qui n'auraient jamais eu la possibilité
de s'exprimer - le cinéma coûtant très
cher - pourrait tourner des films pour trois fois rien,
auraient accès a la parole et à l'image et
qu'on pouvait espérer que dans le monde naîtraient
de petits virtuoses, des Mozart de l'expression cinématographique.
C'était une belle idée, elle n'a été
que partiellement réalisée. Des gens sont
arrivés avec l'apparition de la vidéo, maintenant
avec la Dv, et ont pu mener à terme des projets plus
qu'intéressants, des projets aboutis qu'ils n'auraient
pas pu réaliser dans le circuit de financement traditionnel
du cinéma.
Objectif Cinéma :
Justement quel est le circuit de
financement traditionnel dans le cinéma en France
?
Frank Beauvais : Ils
sont très nombreux. Quand un jeune scénariste
pas encore réalisateur, et qui veut devenir le réalisateur
de son film, finit d'écrire son scénario,
il y a plein de voies possibles pour le faire aboutir. La
solution la plus confortable (si on ne produit pas soi même
son propre film, ce qui est toujours délicat quand
on est jeune et qu'on commence) est de trouver un producteur
qui, connaissant les différentes structures de financement
pour un court métrage aujourd'hui, saura à
quelle porte frapper. Si tu as un producteur, il s'occupe
de ton dossier, présente ton film au CNC, qui est
un peu la timbale ! Si un jeune scénariste décroche
une subvention du CNC, il y a un vrai confort de travail.
Les lecteurs du CNC sont souvent des gens du métier,
certains sont chargés de programmation dans les chaînes.
Il y a un suivi tout de suite, l'il est rivé
sur le court métrage, s'il est intéressant,
on en parle etc. Outre le CNC, le producteur va demander
en fonction des lieux de tournage, des financements du conseil
régional ou de la municipalité. Sans producteur,
le scénariste peut quand même présenter
son court métrage au CNC : si son film est accepté,
il aura plus de chance de trouver un producteur. Quelqu'un
qui arrive avec une subvention du CNC n'a généralement
pas de difficultés à trouver un producteur.
Les chaînes de télévision peuvent aussi
pré-acheter le film, avancer une somme d'argent et
tu sais alors dès le tournage, que ton film sera
diffusé sur telle ou telle chaîne, donc c'est
un confort supplémentaire. Après, sans CNC,
sans chaînes de télévision, et sans
producteur, l'aventure devient très risquée
parce qu'un tournage coûte beaucoup d'argent.