Objectif Cinéma : Et
le travail sur les films de Woody Allen ? Comment le suivre
d'époque en époque ?
Jacqueline Cohen : Je
n'ai pas eu à faire les films les plus difficiles
de Woddy Allen, notamment ceux où il y a plein de
jeux de mots, qui représentent ce qu'il y a de plus
difficile à traduire. Il y en a un dans le dernier
(" Escrocs mais pas trop ") qui m'a empêché
de dormir : il raconte une histoire pendant une réception,
et dit " Mom back " ("Hé, r'cule !"),
je me disais que je n'y arriverais jamais ! C'est un jeu
de mots très mauvais, c'est pour ça qu'il
est bon, " Mom back ", c'est une déformation
de " Move back ", on le voit d'après le
geste ! En sous-titrage, ça va, " Hé,
r'cule ! ", mais pour le synchronisme du doublage,
ça ne marche plus vraiment ! Mais mon film favori
c'est " Coups de feu sur Brodway ", j'aime aussi
"Maris et femmes" ".
Objectif Cinéma : Comment
on vient à travailler sur les films de Woody Allen
? Y a-t-il eu des rencontres ?
Jacqueline Cohen : A
l'origine, c'est Georges Duterque, un superviseur pour les
versions françaises, qui s'occupait des Allen. Après
un problème indépendant de son talent de traducteur,
on m'a demandé de reprendre la relève. Puis
quelques années plus tard, on m'a suggéré
de rencontrer Allen. Je répondais "plus tard,
plus tard" ! Et un jour, j'étais dans les bureaux
de la Columbia, et quelqu'un est venu me voir en me disant
que Woody Allen voulait rencontrer la Woody Allen française
!
Objectif Cinéma : Comment
la rencontre s'est-elle passée ?
Jacqueline Cohen : J'avais
l'impression qu'il était plus intimidé que
moi. Il est adorable : c'est à partir de ce moment-là
qu'il m'a fait une campagne de publicité en disant
que si ses films marchaient bien en France, c'était
grâce à moi ! Voilà, nous nous sommes
racontés nos vies, on a des origines très
semblables. Alors qu'il me demandait mes projets personnels,
je lui ai dit que je voulais faire une adaptation de "
September " pour la scène. Il m'a alors demandé
pourquoi, je lui répondis que j'étais comme
lui d'origine russe, et il m'a dit alors " En dehors
des origines russes, vous ne seriez pas juive, non ? ".
Je lui répondis " Comment vous savez ? ".
Je me souviens encore de nos éclats de rire.
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Un autre jour, on a fait "Bouillon
de Culture" ensemble, et dans la loge de maquillage,
il commence à me raconter une pièce dont il
a écrit un résumé, en me citant tous
les éléments de " Hamlet " sans
que je ne me rende compte de rien ! Puis plus tard il m'informe
qu'il a adapté une pièce française
en anglais, et que le titre en français doit être
" Septembre " !
En dehors de tout cela, on se faxe des messages. C'est quelqu'un
de charmant. Il aime faire rire mais c'est aussi un être
profondément angoissé.