Ce qu'on peut me reprocher le plus,
c'est de faire ce que j'ai envie de faire, sous une forme
qui m'est propre, sans trop me soucier de ce qui se fait.
Peut-être ai-je aussi un comportement et une attitude
qui dérangent. Il n'en demeure pas moins que je constate
souvent dans la manière dont on critique les films,
et notamment les miens, une forme qui s'apparente à
du sectarisme, une radicalisé insupportable. Cette
attitude critique est tellement devenue habituelle que l'on
ne s'en offusque à peine plus. C'est surtout pour
cela que je défendrai jusqu'au bout ce que j'ai fait
et ce que j'ai dit. Si, indéniablement, critiquer
s'apparente à un droit fondamental, il renvoie naturellement
au droit de répondre à ses détracteurs.
C'est du moins ce qui devrait se passer dans un pays dans
lequel les libertés seraient assurées dans
une acception qui irait au-delà du simple droit corporatiste.
Objectif Cinéma :
Votre film a quand même eu
des retours positifs.
Jean-Jacques Beineix : Très
peu. Essentiellement des réactions du public... et
de quelques originaux qui ont encore le goût de défendre
des causes perdues. Amusant à observer.
Objectif Cinéma : On
peut d'ailleurs lire de nombreuses réactions positives
sur le forum du site "Mortel Transfert"...
Jean-Jacques Beineix : Oui,
oui, je souhaiterais relancer et dynamiser ce soutien-là.
Dire que la critique n'a aucun effet est tout à fait
inexact. Je parle en connaissance de cause, surtout à
une époque où la rumeur se répand à
très grande vitesse et d'une façon tout à
fait incontrôlable. L'irresponsabilité qui
préside parfois aux déclarations et aux écrits
d'un certain nombre de journalistes a, en définitive,
des conséquences extrêmement fâcheuses
pour un film. On ne peut l'accepter sans essayer de se défendre,
dans ce domaine, j'ai toujours essayé de garder le
sens de la mesure et de l'humour. Mais il semble que ce
sens même soit en train de se perdre. Quand j'annonce,
quelques semaines avant la sortie de Mortel Transfert, que
"la saison du Beineix est ouverte", je devrais
être mis en examen, puis probablement incarcéré
dans un quartier haute sécurité avant d'être
certainement condamné à une peine incompressible,
à moins qu'on ne rétablisse la peine de mort
!! Parce que dire "la saison du Beineix est ouverte",
c'est terrible, c'est énorme !! C'est dans tous les
cas le sentiment que l'on a quand on lit les articles d'un
bon nombre de critiques.
On avait remarqué, lors de l'affaire Leconte, qu'une
certaine presse n'aimait pas qu'on lui fît des remontrances.
En revanche, la même presse n'a pas le moindre état
d'âme quand elle massacre, tue, découpe en
rondelles, dans des poulets douteux, des articles écrits
avec un escabeau les films ou les réalisateurs qu'elle
n'apprécie pas. Le tout avec l'impression divine
d'être les descendants de Bazin ou de Jean Louis Bory.