Après huit ou neuf ans de
silence, c'est vrai que je me suis permis de dire "la
saison du Beineix est ouverte" ! La belle affaire!
De toute manière, si cela a suffit pour déclencher
la fureur à laquelle l'on a pu assister et bien il
faut se dire que de deux choses l'une, ou bien certains
critiques présentent tous les symptômes d'une
belle paranoïa ou alors que j'avais déjà
une bonne dose de lucidité sur ce qui allait advenir
lors de la sortie du film. Vu que "Mortel Transfert"
n'est plus que dans une seule salle à Paris, je peux
dignement annoncer aujourd'hui que la saison du Beineix
est fermée mais qu'à titre dérogatoire
on peut admettre encore quelques quotas de tirs supplémentaires
pour les éjaculateurs tardifs.
Objectif Cinéma :
Il y en a encore ?
Jean-Jacques Beineix : Oui,
bien sûr. Et il y en aura encore... L'émission
de Daniel Schneidermann, par exemple "Arrêt sur
Images" (diffusée en Mars dernier, ndlr) est
une falsification de ce que j'ai dit et fait. D'ailleurs,
au passage, c'est assez stimulant de découvrir qu'une
émission qui se prévaut de décrypter
l'image télévisuelle soit aussi ringarde.
L'émission qui avait, entre autres, la haute ambition
d'analyser la campagne médiatique de mon film est
restée totalement à la surface des choses.
On était loin de l'autopsie, de l'analyse fondée,
instruite, théorique, précise du fait télévisuel.
En réalité, il s'est agit d'une émission
qui est allée faire une incursion dans un domaine
qu'elle ne connaissait pas, avec des experts qui n'en étaient
pas, et qui, sous couvert d'analyser objectivement des faits
télévisuels, instruisait un énième
procès à charge.
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Monsieur Schneidermann et ses invités
m'ont reproché de me plaindre, d'arriver à
la télévision avec sur le visage la sensation
d'avoir tout perdu, de me présenter en victime, jusqu'à
aller dire que j'avais mis mon argent dans le film, sous
entendu "c'est odieux de faire une chose pareille"
! En revanche, il est vrai que c'est du dernier chic d'annoncer
les milliards dépensés sur chaque nouveau
film qui sort, surtout quand il s'agit du pognon des autres.
Dire que l'on a mis son propre argent dans la production
de son film quand on n'a pas d'autre solution pour le faire,
c'est vrai que c'est inadmissible !
Objectif Cinéma : Finalement
on vous reproche d'être indépendant...
Jean-Jacques Beineix : Oui,
il y a de cela. Mais je crois qu'il y avait aussi dans les
critiques émises ce jour-là dans l'émission
de Schneiderman quelque chose de sous-entendu, c'est assez
inquiétant pour des soi-disant médialogues
: si vous allez à la télévision il
faut avoir "la banane", venir avec une bande de
copains, pratiquer la langue de bois et faire montre de
la plus grande aptitude au consensus. C'était ce
qui se dégageait de l'émission des décrypteurs
de la triste lucarne.