Objectif Cinéma :
Il y aussi un phénomène général
concernant l'accueil de vos films (mais cela est valable
aussi pour d'autres films) de la part des médias
: on finit par ne plus parler du film mais d'autre chose,
exemple : "est-ce que c'est difficile de tourner avec
des fauves ?" quand "Roselyne et les lions"
est sorti, "la mort de Montand" pour "IP5",
ou encore votre rapport avec la critique...
Jean-Jacques Beineix : C'est
souvent le dialogue suivant : "On ne vous aime pas
Oui - Alors, vous êtes parano !" Dans "Arrêt
sur Images", ils me reprochaient de ne pas avoir parlé
de mon film durant les émissions citées, mais
ils auraient dû se demander pourquoi je n'en avais
pas parlé ! Ils auraient alors réalisé
qu'à aucun moment on ne m'avait demandé d'en
parler ! Remarquez cela aurait été plus perspicace
et aurait sans doute permis de parler des véritables
murs télévisuelles et des pratiques
de l'interview. J'aurais dû agir comme ces politiciens
retors qui éludent la question ; j'aurais alors dit
: "mon film est merveilleux, je t'emmerde, et ta gueule".
D'une certaine façon, toute leurs critiques se bornaient
à parler de la manière dont j'avais vendu
mon film À contrario, on pouvait déduire de
leur propos que j'aurais dû avoir une attitude stéréotypée,
ronde, consensuelle, celle, insupportable, qu'on voit à
la télévision !! Les poubelles de l'histoire
sont de toute façon plus remplies d'émissions
de télévision que de films.
Objectif Cinéma :
Le temps jugera de toute façon...
Jean-Jacques Beineix : Je
suis bien obligé d'adhérer à cette
thèse si je veux garder un peu d'optimisme. Plus
sérieusement, je crois que le temps a commencé
à faire son uvre, il remet les choses à
leur place, je suis assez confiant, mais ça rend
le quotidien plus difficile, c'est ça le problème...il
faut faire preuve de patience.
Objectif Cinéma : On
ne comprend plus vraiment, en regardant aujourd'hui "La
lune dans le caniveau" pourquoi ce film a été
rejeté aussi violemment ?
Jean-Jacques Beineix :
Il faut voir le film et lire les critiques de l'époque
pour comprendre. J'ai envie que les gens puissent le faire
car j'estime que le combat pour la réhabilitation
passe par là. L'uvre n'est pas suffisante pour
comprendre le lynchage. Il faut la replacer dans son époque,
les critiques permettent, entre autres choses, une bonne
mise en perspective.