Objectif Cinéma : Il
y a souvent un décalage, c'est ça le problème.
Jean-Jacques Beineix : Le
problème sera surtout pour ceux qui ont écrit
n'importe quoi. On a souvent d'ailleurs le sentiment que
dans ces cas-là ils sont frappés d'amnésie.
Le film ne ment pas, il n'a pas bougé, on ne l'a
pas touché, l'écrit reste. C'est toujours
très édifiant de regarder une uvre avec
les choses qui ont été dites lors de sa création,
cela appartient à l'histoire de l'art. Et tant pis
si certaines évidences confondent les médiocres.
Après tout, cela fait bien longtemps que le ridicule
ne tue plus.
Objectif Cinéma :
On va poursuivre notre entretien
en parlant maintenant de "Mortel Transfert". Est-ce
que vous avez perçu une évolution dans vos
rapports professionnels sur le plateau, vous en tant que
cadreur, et Jean-Hugues Anglade en tant que comédien,
dans la connaissance réciproque que vous avez l'un
pour l'autre depuis l'époque de "37°2"...
Jean-Jacques Beineix : En
l'occurrence, c'est le fait de se connaître et de
s'être retrouvé. Jean-Hugues a changé,
moi aussi, c'est une reconnaissance. Nous ne sommes plus
identiques à ce que nous étions à l'époque
où nous avons tourné le film. Seules des images
ou des souvenirs existent, avec l'incidence de la déformation
que le temps inflige aux images. En revanche, quand je regarde
Jean-Hugues aujourd'hui, je constate qu'il a énormément
évolué, que cette évolution s'inscrit
dans une maturité nouvelle : une perte d'insouciance,
une concentration beaucoup plus grande, une introspection
qui parfois frise la névrose, mais aussi un certain
recul par rapport à soi et un humour beaucoup plus
grand. Autant d'éléments qui me sont très
vite apparus comme susceptibles de nourrir le personnage
de Michel Durand, le psychanalyste. J'étais curieux
de repartir à la rencontre de cette nouvelle personnalité,
et surtout de la confronter à un personnage tout
à fait différent du Zorg de "Trente Sept
Deux le Matin".
Il y a parfois une telle gravité
chez Jean-Hugues, une telle inquiétude, qu'il les
communique à son personnage. Dans une situation inquiétante,
l'accumulation de tension entraîne un effet comique.
Ce n'est pas nouveau dans l'histoire de la comédie
que des gens sérieux mis dans des situations très
sérieuses, deviennent risibles. Regardez Buster Keaton.
C'était un des paris du film que
de faire rire avec des choses absolument terribles ; effrayantes.
À aucun moment, contrairement à ce qui a été
dit, il y a des rires intempestifs. Il ne peut y en avoir
dans cette histoire par ce que tout est risible, dérisoire
et à contretemps.
Jean-Hugues joue au premier degré,
il est un psychanalyste qui pète les plombs et ne
comprend pas ce qui lui arrive. Seules les situations auxquelles
il est en prise sont, à certains moments, plus ou
moins plausibles, plus ou moins outrées.