Jean-Hugues est un acteur qui s'inscrit dans une lignée
de grands acteurs qui nourrissent et fabriquent des personnages
par leur travail sur eux-mêmes. Il n'appartient pas
à cette lignée de gens qui vampirisent des
personnages pour imposer leur personnalité. Jean-Hugues
se fond dans ses personnages. C'est une qualité d'acteur
beaucoup plus rare. Par exemple, Ventura ou Gabin, d'une
certaine façon, vampirisaient leurs personnages,
surtout à la fin de leurs carrières. On venait
voir les voir au cinéma plus pour eux que pour leurs
personnages. Mais Dustin Hoffmann joue des personnages.
Quand Jean-Hugues interprète "L'homme Blessé";
il joue un rôle de jeune garçon homosexuel
et il est extraordinaire et totalement crédible.
Quand il joue Charles IX dans "La Reine Margot",
il est extraordinaire encore, mais il est un autre, on ne
le retrouve pas identique, il a changé de personnage.
Dans "Mortel transfert", je pense qu'il est encore
tout à fait surprenant. Par ailleurs il révèle
pour la comédie un talent très personnel.
Objectif Cinéma : Est-ce
que cet effet comique dont vous parliez est quelque chose
qui vous a surpris , qui vous a échappé...
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Jean-Jacques Beineix : Oui
et non. J'avais trouvé qu'il y avait chez Jean-Hugues
une plus grande gravité que quand nous nous étions
rencontrés lors de "Trente Sept Deux le Matin".
Paradoxalement cela servait le personnage. Le comique du
film naît d'une rencontre entre une situation ubuesque
et d'un sérieux consterné, avec des bouffées
de délire.
Le film a un côté très sérieux
et un autre déjanté. Tout cela s'est télescopé.
Jean-Hugues ne partage pas tout à fait ma vision,
mais j'ai senti quand même de grandes tensions en
lui, je pense qu'il va les résoudre, qu'il y a traversé
une crise dans sa vie et que cette crise transparaît
ou transparaissait au moment du tournage.
Tout cela donnait au personnage une consistance qui allait
dans le sens dans lequel j'avais envie d'aller. Maintenant
c'est aussi le rôle du metteur en scène de
deviner l'intériorité de ses acteurs pour
mieux s'en servir, pour mieux confronter personnages et
situations. C'est pour cela que je dis que les choses m'ont
échappé autant que j'ai su les gérer.
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Heureusement que les choses nous
échappent, sans cela il n'y aurait plus aucune surprise,
plus aucun plaisir. La maîtrise doit se trouver quelque
part entre la perfection d'une arabesque cent fois répétée
et le pied qui se prend dans le tapis.
Un comédien réserve autant de surprises qu'un
ciel d'orage, il faut jouer des contraires, de l'inattendu,
de l'impromptu.
Un personnage n'est pas une entité, un monolithe,
il y a une interaction entre la situation et l'homme qui
incarne le personnage, et c'est cette interaction qui est
extrêmement intéressante à gérer
au cinéma.