Objectif Cinéma :
Les acteurs peuvent aussi éprouver des émotions
dont les metteurs en scène ne s'aperçoit pas
toujours...
Jean-Jacques Beineix : Bien
sûr, de là peuvent naître des malentendus,
des incompréhensions. Ce n'est pas bon que ce genre
de chose s'installe dans une relation entre acteur et metteur
en scène, pas bon pour la relation, encore moins
pour le film. J'ai eu de la chance, cela ne m'est jamais
arrivé, du moins jamais avec un rôle principal.
Je pense qu'il faut toujours essayer de comprendre ce que
l'acteur ressent.
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Finalement il y a des acteurs qui
vous surprennent. Je n'ai jamais tourné deux fois
avec les mêmes acteurs (sauf pour les rôles
secondaires envers lesquels je me montre plus fidèle)
et je redoutais justement que Jean-Hugues ne me surprenne
pas, par ce que dans le rapport qu'on peut avoir avec un
acteur, il y a une grande part de superficialité.
Il est difficile d'aller au-delà, de plonger dans
les profondeurs, de connaître vraiment les gens. Un
film est relativement fléché : quand un scénario
est bien écrit et qu'on sait à peu près
ce qu'on veut, on se trouve avec une suite de situations,
des scènes, des acteurs, bref, il suffit d'interpréter
le texte. C'est souvent plus simple qu'on ne le croit.
Si, en revanche, on veut pousser les choses plus loin cela
devient vite infernal. On rentre dans une zone de résistance,
une zone de conflit.
C'est cela qui fait toute la différence.
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Le cinéma devient intéressant
à partir du moment où l'on va aller chercher
cette différence. De loin, on peut sourire sur les
gains de productivité engendrés par cette
quête du perfectionnisme. Le fait de retravailler
avec un acteur sous entend que l'on aille plus loin dans
la relation, que l'on soit plus exigeant par ce qu'il n'y
a plus la séduction de la première fois, de
l'inconnu. Il faut aller dans l'exigence. Au fond, si je
ne l'ai pas fait plus tôt c'est sans doute que je
n'étais pas prêt. Je suis content de l'avoir
fait tout simplement par ce que nous avons approfondi notre
travail et aussi notre amitié. Je pense qu'aujourd'hui
nous sommes plus proches.
Objectif Cinéma :
Est-ce que le fait d'avoir réalisé
un documentaire comme "Assigné à résidence"
vous a aidé à aller vers une vérité
dans l'approche d'un personnage et dans la direction d'acteurs
?
Jean-Jacques Beineix : Cela
a complètement changé les choses. Le documentaire
est une vision du monde à l'opposé de la fiction,
puisque c'est la réalité qui vous impose sa
fiction. Le scénario est écrit par d'autres,
par le destin, les circonstances, les événements
et vous allez essayer de mettre à nu les liens invisibles
qui sous-tendent les choses que vous filmez.