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Objectif Cinéma (c) D.R.

Dans la fiction, vous devez reconstituer ça, tout refabriquer. La licence poétique est très élastique dans l'œuvre d'art, il y a les conventions, les procédés qui sont acceptés, connus. Dans le documentaire, vous vous devez - je parle d'un certain type de documentaire - d'observer une certaine éthique (celle du témoignage notamment).

En vous livrant la réalité, le documentaire vous montre les grandes lois de la dramaturgie dans leur expression la plus authentique, la plus brute, dans la glaise. Je suis parti du cinéma pour aller vers le documentaire, le documentaire m'a ramené vers le monde réel et à une certaine vérité de ce que l'on appelle les personnages dans le domaine de la fiction, la dimension humaine. Cette dimension manque de plus en plus souvent dans le cinéma. Le fait d'avoir fait ce chemin dans un autre sens m'a permis probablement d'approfondir et de mieux comprendre la façon dont fonctionne le cinéma et la dramaturgie.


Objectif Cinéma : Avoir réalisé des fictions auparavant apporte aussi une forme de rigueur dans le travail du documentaire...

Jean-Jacques Beineix : Le cinéma m'a apporté une grammaire. Je manque parfois de m'étrangler quand je regarde certaines émissions ou certains débats à la télévision. La caméra passe l'axe, comment les spectateurs peuvent-ils comprendre que les gens se parlent ? Certaines conventions ont été établies pour permettre une meilleure compréhension des films, des émissions de télévision. D'autant plus que dans ce style d'émission, on est dans un cadre très précis qui consiste à avoir deux messieurs, des politiques en face à face. J'étais horrifié en regardant le débat Seguin-Delanoë !! Il y avait une caméra chaque fois entre les deux et rien ne raccordait, ils ne se regardaient pas, c'était horrible !! La grammaire cinématographique existe, elle est passionnante à analyser et elle est extrêmement utile.

C'est en faisant du documentaire que je me suis aperçu que j'avais un vrai bagage technique, un outil qui me permettait de mieux restituer la réalité, de la rendre plus facilement accessible, d'en jouer. Faire des champs / contre-champs dans un film de fiction, cela se fait naturellement. C'est l'une des bases de la grammaire cinématographique. La transposition de ces éléments grammaticaux venus du cinéma dans un autre média vous conduit à mieux comprendre quelle en est l'efficacité réelle.

Patrick Poivre d'Arvor avait bien compris l'intérêt du champ / contre-champ "dans Castro et moi", mais la vérité ne vient pas du champ / contre-champ. C'est du bluff, le champ / contre-champ est un artifice, il n'existe pas dans la vie, mais c'est de la maîtrise de cet artifice que naît l'art. Je me suis borné à prendre cette figure de style, mais bien sûr le cinéma ne se résume pas à l'emploi du champ contre champs.