Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     


 

 

 

 

 
Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : D'une certaine manière, l'inquiétude et l'angoisse du personnage de Michel Durand évoquent la souffrance du monde actuel. C'est un film moins "serein" que vos précédents.

Jean-Jacques Beineix : Je ne suis pas tout à fait convaincu d'avoir jamais fait un seul film serein. J'aurais certainement aimé. Mais d'autre part, je n'ai pas le sentiment que le monde soit réellement d'une grande sérénité. "Mortel Transfert" aborde la question de la névrose et de la mort. De plus, l'univers de la psychanalyse inquiète. Par ailleurs, à titre personnel, je ne me sens pas vraiment dans un climat de sérénité, cela déteint sur mes films. "Mortel Transfert" ressemble à un cauchemar dont le héros tente de sortir pour retrouver la vie et la sérénité, justement. Beaucoup de films sont bâtis sur ce type de situation, par exemple, bon nombre de films Hitchkockiens

Je crois que le film reflète une part d'inquiétude, de crainte par rapport au monde.
On est aujourd'hui en droit de se poser la question de la validité d'un tel propos.
Dire que le monde va mal est une évidence, le montrer au cinéma n'est peut-être pas une bonne idée. Depuis quelque temps on a le sentiment que les spectateurs sont plus à la recherche de divertissements que de films. Ils veulent se divertir, oublier leurs problèmes. On dirait aujourd'hui : " Ne pas se prendre la tête ". J'ai pourtant pensé faire une comédie. Mais nous n'avons pas vraiment su communiquer sur cela, et puis certains n'avaient pas envie de voir le film sous cet angle. J'ai quand même le sentiment que quoique je fasse mes habituels détracteurs y trouveraient à redire.

C'est inquiétant si l'on ne peut plus faire de films qui dérangent ; le cinéma devient de plus en plus orienté par le marketing. Il devient tendance, tendance douce, consensuelle. Ce n'est pas avec ce genre d'idées en tête que je me suis orienté vers le cinéma.

Cela pose de graves questions. Par ce que si l'on doit, avant chaque film, se poser la question de l'opportunité de tel ou tel sujet, alors, on va dans le mur.
Pour en revenir à la question, je pense que le film reflète la crise d'un homme et sa gesticulation pour s'en dégager. Mais, avant tout, c'est une comédie, noire, macabre, mais une comédie. Il n'en reste pas moins que l'échec de la carrière du film me met dans une relative impasse.


Objectif Cinéma : Artistiquement ?

Jean-Jacques Beineix : Non, artistiquement, je ne me suis jamais senti aussi riche, aussi fort. J'ai été cassé quelques jours par ce que c'est vrai que je me suis fait descendre, une fois de plus.
L'impasse réside beaucoup plus dans la marge de manœuvre réduite qui découle de l'échec d'un film. Les moyens que vous donne le succès sont très appréciables.