Objectif Cinéma :
Qu'est-ce qui vous obsède
tant dans ce roman de Marc Behm depuis 17 ans ?
Jean-Jacques Beineix : Peut-être
tout simplement le fait que je n'arrive pas à la
faire. Non, se serait insuffisant. Non, en fait je crois
que j'aime vraiment cette histoire. L'avantage d'avoir beaucoup
attendu, c'est qu'elle se densifie avec le temps. Je la
cisèle, et encore, je ne travaille que dans la prospective,
le film n'est qu'une potentialité. Je me suis aperçu,
lorsque nous avons entamé la préparation,
il y a deux ans, que dans la mise en pratique, dans l'élaboration
grandeur nature, tout prenait un sens, une dimension.
C'était extraordinaire de voir que ce que j'avais
rêvé depuis si longtemps non seulement prenait
corps mais encore prenait de la dimension. Plus on avançait
plus l'équipe se passionnait, je n'ai pas vu souvent
cela à un tel point.
Il arrive qu'on suive dans sa vie des
impulsions qui sont provoquées à un moment
donné dans des circonstances données. L'impulsion
vous amène dans un mouvement, le mouvement se perpétue,
mais les conditions changent..
Je sais que si j'ai voulu faire ce film à un moment
c'est tout simplement par ce que j'avais envie de faire
une comédie populaire et à grand spectacle.
Avec le temps, cette envie est devenue encore plus forte,
et dans le même temps mon bagage technique prenait
de l'étoffe. Aujourd'hui je suis vraiment prêt
pour faire ce film. Je suis convaincu que j'avais raison
à l'époque, que c'était une bonne idée.
Désormais, je suis certain que c'est une très
bonne idée.
À Hollywood, on m'a dit : "On
ne fait pas des films de vampires", je vous jure que
j'ai répondu à ces types "Vous allez
en faire vingt !!" Il n'a pas fallu attendre six ans
pour constater que j'avais raison. Plus récemment,
on voulait que je fasse le film en anglais, moi, j'insistais
pour qu'il se fasse en français. On estimait que
le devis était trop élevé pour un film
en langue française, depuis une vague de films français
à gros budget prouve que j'avais encore raison. C'est
le manque d'imagination qui est le plus difficile à
supporter, le manque de vision. J'ai envie de faire une
grande comédie burlesque à grand spectacle.
Objectif Cinéma :
Il y a eu "Le bal des vampires"
de Polanski...
Jean-Jacques Beineix : Mais
c'était il y a trente-cinq ans !! Et en costumes
! Pas un film situé dans les temps modernes ! Cela
n'enlève d'ailleurs rien à sa qualité.
Je me souviens avoir fait la queue pour le voir et l'avoir
énormément aimé. Il n'est pas impossible
que l'envie de faire une comédie sur le thème
des vampires ne soit pas en rapport avec le plaisir que
m'a procuré ce film. Je suis un admirateur de Polanski,
enfin un cinéaste classique !
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C'est aussi le désir de rendre
hommage à un genre, un genre auquel je me suis adonné
sans retenue quand j'étais jeune homme. Je souhaite
faire une variation sur le thème des vampires, un
film très classique en réalité. Une
forme de dérision du mythe, sous la forme d'une comédie.
Je retourne complètement le mythe. Je fais des vampires
des gens sympathiques. Je reviens sur l'un des thèmes
présents dans tous mes films, celui de la transmission.
L'affaire du Siècle raconte les aventures de deux
jeunes vampires dans l'obligation d'en trouver un vieux
qui leur apprenne à faire tout ce qu'ils ne savent
plus faire en tant que vampires. Vous avez ce personnage
dans "Diva", dans "37°2", dans "Roselyne",
dans "IP5". "Mortel Transfert" n'échappe
pas à la règle avec le vieux psychanalyse
déjanté (joué par Robert Hirsh) qui
finit, après avoir avoué ses turpitudes, par
transmettre son message. Il y a toujours la problématique
du père.