Objectif Cinéma : Vos
films sont souvent reçus différemment à
l'étranger...
Jean-Jacques Beineix : C'est
heureusement de l'étranger que le salut est bien
souvent venu. J'ai eu un choc culturel étonnant à
Berlin en me retrouvant en février dernier dans une
salle de 600 personnes pour présenter "Mortel
Transfert". J'avais les plus grandes inquiétudes.
Et dès les premières secondes, je savais que
le film partait gagnant. J'attends beaucoup de ce qui va
se passer à Hong Kong. Quand vous avez là-bas
2000 personnes, il y a des phénomènes de masse
qui changent complètement la perception d'un film.
Le plus horrible, c'est la salle UGC de 100 personnes avec
des journalistes et critiques français. C'est horrible
! J'ai fait le serment de ne plus jamais refaire ça.
Objectif Cinéma : Les
signes de l'Asie sont très présents dans vos
films. J'aime beaucoup le personnage de Mai Li, la femme
de ménage dans "Mortel Transfert", personnage
muet mystérieux. Elle me fait penser à la
jeune vietnamienne de "Diva". Peut-être
inconsciemment essayez-vous de vous rapprocher de Kiko Keishi,
personnage féminin asiatique qui vous avait fasciné
dans "Typhon sur Nagasaki", un film avec Jean
Marais qui a marqué votre jeunesse...
Jean-Jacques Beineix
: C'est probable,
je dois dire que cet épisode m'a vraiment marqué.
Dans "Mortel Transfert", une scène, dans
laquelle Mai Li regarde dormir Michel Durand , a été
coupée. On s'apercevait alors que cette femme était
amoureuse de lui, qu'elle était dépitée
et qu'elle le "couvrait" d'une certaine façon.
Elle le couvait du regard, mais elle le " couvrait
" au sens policier, elle savait visiblement plus de
choses qu'elle ne le montrait. De cette scène, on
pouvait déduire qu'elle était une complice
muette. Encore une version Intégrale qui s'annonce.
De nombreuses scènes ont d'ailleurs
été coupées. J'ai énormément
réduit la longueur du film. Le film efficace doit
faire 2h30. J'ai fait disparaître le personnage de
la femme de Durand, joué par Fanny Cottençon,
écourté les explications données par
le commissaire Chapireau ainsi que celles du vieux psychanalyste,
et deux scènes gaguesques délirantes : d'abord,
l'irruption d'une famille de catholiques, un brin intégriste
qui arrive au moment où Durand doit descendre pour
mettre le corps dans la voiture. C'était énorme
!! Puis une autre scène qui arrivait au lendemain
de l'enterrement d'Olga. Durand se réveillait pour
se trouver nez à nez avec un banquier qui lui demandait
son argent. Il avait une veste jaune et tombait spectaculairement
dans l'escalier par ce que Durand avait enlevé les
barres de tapis pour en faire le levier pour soulever la
pierre tombale au cimetière. Le banquier explosait
son ordinateur.